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elle aperçut à son tour l’ombre du roi dans la fontaine. Elle montra bien la sagesse des femmes, en ce qu’elle ne leva point les yeux vers les branches de l’arbre : « Seigneur Dieu ! dit-elle tout bas, accordez-moi seulement que je puisse parler la première ! »

Elle s’approche encore. Écoutez comme elle devance et prévient son ami :

« Sire Tristan, qu’avez-vous osé ? M’attirer en tel lieu, à telle heure ! Maintes fois déjà vous m’aviez mandée, pour me supplier, disiez-vous. Et par quelle prière ? Qu’attendez-vous de moi ? Je suis venue enfin, car je n’ai pu l’oublier, si je suis reine, je vous le dois. Me voici donc : que voulez-vous ?

— Reine, vous crier merci, afin que vous apaisiez le roi ! »

Elle tremble et pleure. Mais Tristan loue le Seigneur Dieu, qui a montré le péril à son amie.

« Oui reine, je vous ai mandée souvent et toujours en vain : jamais, depuis que le