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LE PRÉSENT.

Vieux-Colombier dont M. Édouard Fournier nous a esquissé le tableau. C’est à cette date qu’il faut placer la parodie des premières scènes du Cid, faite en commun chez Furetière lui-même, au dire même de Boileau, et à laquelle il aurait eu la plus grande part. C’est lui encore qui, suivant Brossette, livra aux verges du satirique Cassagne et l’abbé Cotin.

Ces renseignements infiniment précieux ne font que confirmer ce que fournissent l induction et l’analogie. La fraternité de Furetière avec ces écrivains célèbres est plus encore dans les idées que dans les faits, et, comme il arrive toujours dans l’histoire littéraire, le personnage secondaire éclaire, explique les intentions et la politique des chefs d’école. C’est en lisant les ouvrages de Furetière que on entre dans cet esprit de la réaction bourgeoise, qui, par haine de la langue excessive et des conventions poétiques de l’école de d’Urfé et de Ronsard, ramena d autorité la littérature au langage positif et à la règle du sens commun ; réaction de l’esprit bourgeois parisien contre les exagérations, la verve et l’idéal transcendant des provinces. Cette tendance, enveloppée par le prisme d’un talent supérieur dans Molière et dans Racine, éclate dans Furetière : protestation de la littérature d’observation dans le Roman Bourgeois ; protestation du bon sens et de la malice dans les Poésies et dans les Satires, où la modération, le ne quid nimis servent de règle commune à la forme et à la pensée.

L’identité d’inspiration est d’ailleurs frappante dans les œuvres. Il est bien certain, à la ressemblance des personnages et à l’analogie des situations, que les mêmes modèles ont servi aux auteurs du Roman Bourgeois, des Femmes savantes et des Plaideurs, et qu’un fonds commun d’idées et d’observations existait entre eux.

III

Furetière fut reçu à l’Académie en 1662 ; il avait quarante-deux ans. Il n’était alors connu que par son Allégorie et ses Poésies. Ni ses Paraboles de l’Évangile, ni son roman n’avaient encore paru.

J’ai déjà fait pressentir mon jugement sur ses premiers ouvrages en poésie. Furetière est bien le contemporain et l’élève de Despréaux, de Molière et de Chapelle. Son vers net et sobre n’a jamais l’accent des belles scènes du Misanthrope ; son ironie est aussi moins soutenue que celle de Boileau ; mais c’est bien là la précision, la correction et le ton raisonnable par lesquels les poëtes du siècle de Louis XIV protestaient avec Malherbe contre le clinquant du Tasse et le mauvais goût de Ronsard et de Théophile. Comme l’a fort bien remarqué M. Francis Wey, ses vers préviennent favorablement l’esprit par leur propre ; ils se soutiennent