— Et voilà pourquoi vous vous retirez, reprit-elle en riant toujours, Ah ! je vous entends ! c’est par modestie.
— Un peu par modestie, un peu par loyauté, beaucoup par égard pour vous, madame, et pour vous éviter l’embarras de congédier vousmême un vieux serviteur comme moi. Voyons, Anna, soyez franche : vous le voyez bien à présent, nous ne saurions nous aimer.
— Vous avez raison ! s’écria-t-elle. Et d’ailleurs, pourquoi le cacher ? je crois bien que j’aimerai Arsène.
— Arsène ! répétale gentilhomme ; vous dites déjà…
Un dépit des plus violents commençaità gronder dans le sein de l’altière jeune femme.
— Arsène ! s’écria-t-elle ; oui, Arsène !
M. de Brennes ne se troubla pas ; il regarda lentement madame du Songeux, et dit en souriant, lui, d’un vrai sourire :
— Savez-vous comment M. Onfray a été mordu par sa vipère ?
Évidemment il raillait. Elle le regarda à son tour. Le visage du gentilhomme souriait toujours ; il semblait dire :
— Je le sais, moi, et la seule vengeance que je veux tirer de vous, c’est de me taire.
— Je le saurai, répliqua-t-elle avec l’un de ces éclats chromatiques qui lui étaient familiers dans la colère. Elle était demeurée debout ; elle affecta de s’asseoir, comme si la fatigue l’avait vaincue… Trois heures après minuit sonnèrent.
— Le jour vient, dit-elle.
M. de Brennes s’inclina. Comme il allait sortir, la jeune femme le rappela ; elle aussi voulait lui faire voir un vrai sourire.
— Vous allez vous ennuyer affreusement, dit-elle, dans votre vilain manoir de la Fosse, auprès de votre oncle mourant. Rappelez-vous-le bien, c’est vous-même qui venez de prononcer votre exil. Oh ! nous vous reverrons. Adieu, Charles, ajouta-t-elle.
M. de Brennes salua de nouveau et s’éloigna doucement, toujours sans répondre.
— Il faudra donc que je voie Moreau ! s’écria la jeune femme. Elle courut au lit d’Arsène ; elle approcha brusquement la lampe des yeux du jeune homme.
— Il dormait bien, dit-elle… Il redevient beau.
Elle s’étendit sur un lit de repos, mais elle ne put trouver le som-