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LE PRÉSENT.

pérer qu’on attacherait une croix au coin de ses refrains ! Un couplet, bien vite, et n’en parlons plus.

M. Barrière, que tout le monde désignait comme devant être aussi décoré, sera forcé d’attendre qu’un succès nouveau se soit ajouté aux succès passés. — C’est un homme sûr de son affaire. À l’an prochain ! décoré aujourd’hui, décore demain, qu’importe si on doit l’être un jour ! M. Dumas fils est bel et bien chevalier ; pour celui-là du moins personne n’a réclamé. La fleur couleur de sang devait pousser tout naturellement à la boutonnière de son habit. Mais M. Daubigny, le paysagiste charmant, dont chaque tableau dans son petit cadre semble une fenêtre d’or ouverte sur la nature, M. Daubigny, pourquoi l’avoir oublié ? Nous nous sommes tous vengés en applaudissant à outrance le nom de l’artiste aimé quand on l’a prononcé l’autre jour, à propos d’une médaille, de je ne gais quelle classe, quel poids, quelle valeur. Il y a là plus qu’un talent, j’y trouve un caractère ; c’est un homme, un homme tout plein de l’amour des belles choses, le cœur purifié par les parfums sacrés de la nature, dont le pinceau n’est pas seulement un instrument habile : on dirait une branche verte coupée en plein feuillage, toujours fraîche et vive, dans la main du peintre comme au front des arbres. Il y a eu pour M. Winterhalter un cordon de grand officier ; l’affaire était certaine, et le ruban sera cousu par des mains royales à sa vareuse de soie.

Beaucoup d’autres ont encore été décorés, administrateurs, professeurs, dont tous les journaux ont déjà fait en quelques’lignes la biographie. Parmi les nominations au grade d’officiers dans l’ordre de l’instruction publique, j’ai reconnu un nom qui m’est cher. Peu vous importent, lecteur, mes sympathies et mes dévouements ? N’est-il point doux pourtant de retrouver, en face de dix lettres qui représentent le nom d’un homme, toute son enfance pleine de fleurs et de pensums ! Et puis, il fait bon saluer en passant ces hommes honorableset dignes, qui, dans le silence de leur cabinet, déploient l’énergie qu’il faudrait pour mener une armée, le talent qu’il faut pour être ministre ! Les hommes sont difficiles à conduire : les enfants le sont davantage ! Que d’habileté et d’esprit ne faut-il pas dépenser pour dominer tout ce tapage, et diriger sur la vie ces petits indociles et ces grands paresseux ? J’ai connu un homme qui s’acquittait de cette tâche avec un tact, une délicatesse et un bonheur singulier ! J’étais alors un cancre, l’indécrottable Max, qui était bien quelquefois premier, qui avait peut-être quelques prix, mais qui ne savait jamais ses leçons, ne finissait jamais ses devoirs, et qui causait toujours ! M. Jullien était alors mon proviseur, et j’ai reçu plus d’une fois de vertes remontrances, le samedi, jour des notes ! Devoirs médiocres, leçons passables, conduite très-légère ! — une légèreté d’oiseau, la pie par exemple, la plus bavarde de toutes encore !

C’était en province alors ! Je n’avais pas encore marché sur Paris, le casque en tête, mon drame en poche. M. Jullien aujourd’hui est proviseur de Louis-le-Grand.