Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/363

Cette page n’a pas encore été corrigée
355
CRITIQUE.

tagnes, et terminer à loisir ses préparatifs. M. Thiers plaide aujourd’hui la bonne foi immaculée de M. de Metternich, et rejette la vanité de l’armistice sur l’indomptable orgueil de Napoléon, qui se refusait à toutes les concessions. De là prend texte pour blâmer vertement son manque de sens politique, accuser les chimères de son ambition, et accabler de nouveau son génie sous des ruines qu’il s’était plu à faire, quand il eût pu retarder ou empêcher l’écroulement entier de ses destins et de la grandeur de la France. De quel côté est la vérité ? L’Autriche pouvait-elle, en effet, désirer sincèrement la paix et, au prix de quelques sacrifices, le maintien et l’affermissement de la puissance impériale ? Voici les coups qu’elle avait reçus du bras de l’heureux soldat qu’elle affectait maintenant de vouloir protéger : En 1797, à Campo-Formio, après avoir perdu deux cent mille hommes et vingt batailles, elle s’était vue dépouillée des provinces belgiqucs et de la Haute-Italie ; la Lombardie et le Mantouan, Milan et Mantoue, avaient été érigés en république ; l’éternel objet de son ambition lui avait été enlevé. Venise, le Frioul, l’Istrie et la Dalmatie n’avaient été qu’une médiocre compensation de toutes ces pertes. En 1801, après Marengo et Hohenlinden, l’Autriche avait été contrainte d’assurer de nouveau à la France la possession des provinces belgiques et la rive gauche du Rhin ; la Toscane avait été enlevée à un prince autrichien pour le fils du duc de Parme, et l’empereur avait eu de nouveau cette douleur de consacrer l’existence des républiques cisalpine, ligurienne, helvétique et batave ; de se nouer aux flancs une ceinture d’États libres. En 1805, à Presbourg, après Austerlitz, l’Autriche avait perdu les compensations mêmes du traité de Campo-Formio : les États vénitiens avaient été réunis au royaume d’Italie, l’Istrie et la Dalmatie abandonnées à Napoléon, le Tyrol et Voralberg à la Bavière, les possessions autrichiennes de la Souabe aux princes de Wurtemberg et de Bade. Ainsi, l’empire autrichien se trouvait resserré dans le bassin du Danube, écarté de l’Italie, du Rhin et de la Suisse, coupé de toutes ses communications militaires. En 1806, les rois de Bavière et de Würtemberg, l’électeur de Ratisbonne, les grands ducs de Bade et de Berg, le landgrave de Hesse-Darmstadt et dix autres princes, sous l’influence de la diplomatie française et de l’éblouissante épée d’Austerlitz, se séparaient à jamais de l’Empire et s’unissaient entre eux, par une confédération dont Napoléon était nommé protecteur. C’était, sans combat, une grande humiliation pour l’Autriche. François II fut obligé de descendre du trône des Césars ; il renonça à ses titres d’empereur d’Allemagne et de roi des Romains, nouvel et plus cruel amoindrissement d’influence et de dignité ! En 1809, après Wagram, Napoléon avait médité un moment la dissolution de l’Empire, la séparation des trois couronnes de Bohême, d’Autriche et de Hongrie ; il fit à François II la gràce de le laisser vivre comme empereur, mais à de dures conditions. Il cédait à la Bavière Saltzbourg, Braunau et les districts sur l’Inn ; à la