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LE PRÉSENT.

mort combien y a-t-il d’heures remplies par là jouissance positive, par l’action réussie et décidée ? Virons-nous jamais, passerons-nous jamais dans ce tableau qu’a peint mon esprit, ce tableau qui te ressemble ? — Ces trésors, ces meubles, ce luxe, cet ordre, ces parfums, ces fleurs miraculeuses, c’est toi ; c’est encore toi, ces grands fleuves et ces canaux tranquilles. Ces énormes navires qu’ils charrient tout chargés de richesses, et d’où montent les chants monotones de la manœuvre, ce sont mes pensées qui dorment ou qui roulent sur ton sein. Tu les conduis doucement vers la mer qui est l’Infini, tout en réfléchissantles profondeurs du ciel dans la limpidité de ta belle âme, — et quand, fatigués par la houle, et gorgés des produits de l’Orient, ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l’Infini vers toi.

Charles Baudelaire.

(La suite prochainement.)