Marguerite rougit en jetant les yeux sur le costume masculin dont elle était revêtue et répondit : — Bien, monsieur, très-bien.
— Ayez la bonté de me donner votre bras, mademoiselle.
Elle obéit ; le docteur lui tâta le pouls, et dit : — C’est au mieux ; il n’y a pas le moindre danger. Voyons la tête. Parfaitement. Le fer n’a pas pénétré d’une ligne. Les cheveux ont arrêté le coup ; ce n’est qu’une coupure insignifiante. Je vais la bassiner encore avec un peu d’eau blanche, et tout sera dit. Souffrez-vous-quandj’appuie, mademoiselle ?
— Non, monsieur.
— Vous n’avez plus besoin de moi, et je vous en félicite.
Le docteur salua et se retira.
— Eh bien ! Marguerite, dit Georges, nous voici donc de nouveau réunis. Ah ! c’est Dieu qui l’a voulu, c’est lui qui vous ramène près de moi ; et, cependant, si vous saviez tout ce que j’ai souffert à cause de vous !
— Georges, vous m’entendrez tout à l’heure et vous me pardonnerez ; mais par quel hasard suis-je ici, dans cette chambre, près de vous ?
— Ne vous trouvez-vous pas bien ? dit Georges en lui serrant la main et en souriant.
— Toujours bien auprès de vous ; mais, expliquez-moi…
— Voici. Vous êtes prisonnière de guerre, ma chère Marguerite, ma prisonnière à moi. Je vous ai trouvée et ramassée, pauvre enfant, au haut de la barrière de Belleville, la tête saignante, sous les pieds des chevaux de nos cuirassiers ; je vous ai relevée, fait transporter ici, fait donner des soins qui, grâce à Dieu ! se sont trouvés inutiles ou à peu près. Mais vous, comment à Paris ? comment à Belleville au milieu du feu ?
Marguerite, à son tour, raconta son départ de Saint-Just, son voyage, son arrivée à Paris, et qu’elle venait y chercher son frère, et comment elle s’était trouvée au milieu des combattants.
— Ainsi, c’était votre frère que vous cherchiez ! Moi qui m’étais figuré… Pardonnez-moi, Marguerite. Je me figurais que j’étais encore au temps où vous m’aimiez, et vous ne m’aimez plus.
— Georges, pourquoi vous plaisez-vous à me faire souffrir ?
— Vous me faites des reproches, Marguerite. Et ce Jarry ? Et cette scène du parc ? Il ne vous en souvient donc plus ! Ah ! vous le voyez bien que vous u’avez point de mémoire.