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LE PRÉSENT.

Pendant la petite allocution du père Simon Grandpré, c’est le nom du digne vieillard, Marguerite s’était levée, son œil brillait, son sein se soulevait avec force ; elle fixait son frère comme pour lui faire entrer dans le cœur avec le regard les fortes leçons de son père ; on eût dit quelque Velléda antique avant le combat, au moment où elle entendait entonner le Bardit. Elle se jeta dans les bras de son frère, et ils se tinrent embrassés pendant quelque temps ; enfin Baptiste se dégagea et s’approcha du vieillard.

— Mon fils, mon enfant, lui dit celui-ci à voix basse, quand leurs têtes se furent rapprochées pour un baiser, ménage-toi, je t’en prie, sois brave mais prudent.

Le jeune homme serra la main de son père, prit des mains de Marguerite son sac de fantassin posé au pied d’un arbre, l’ajusta sur son dos, mit son fusil sur l’épaule et se prépara à partir.

— Rentrez à la maison, dit-il, vous y serez mieux qu’ici.

— Ne crains rien pour nous, mon enfant, songe à toi seulement, et si tu peux de temps en temps nous donner de tes nouvelles, ne nous oublie pas.

Ils s’embrassèrent encore une fois ; Baptiste allait partir, quand Marguerite, s’adressant à son père, lui demanda à accompagner son frère un moment.

— Tu n’auras pas peur à revenir seule ? dit le vieillard en souriant.

Marguerite fit un mouvement qui voulait dire : Vous me faites injure, mon père ; et prenant le fusil de son frère : — Donne-le-moi, petit frère, je vais te le porter jusqu’à la croix du Mazet ; tu as tant à faire à présent pour rejoindre ta colonne, tu as bien le temps de te fatiguer.

Le vieillard resta debout regardant s’éloigner le frère et la sœur qui se tenaient par le bras en causant. Des larmes mouillaient ses yeux en voyant partir son fils que peut-être il ne devait plus revoir ; un sourire expirait sur ses lèvres quand il voyait sa fille, le fusil sur l’épaule, sauter légèrement les fossés, comme une Diane chasseresse.

Pour aller rejoindre la route, Baptiste et Marguerite avaient à passer