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HISTOIRE DU RÈGNE DE HENRI IV.

connaît leur pensée secrète, leur importance diverse, la couleur de leur drapeau. Et ce ne serait pas assez dire que de dire exactitude et vérité. M. Poirson dédaigne la couleur fausse et l’arrangement dramatique. N’en concluez pas que son livre manque de chaleur et de vie. Ses discussions ne sont point arides, ses analyses sèches et dénuées d’intérèt. Il a mis dans tout son livre et on sent respirer à chaque ligne, de la première à la dernière page, l’âme d’un honnête homme et d’un bon citoyen. En prenant la plume, il avait pris parti ; il était avec Henri IV, avec Molé, avec d’Aubigné, avec du Vair, avec Pierre Pithou contre les factieux de toute nuance, contre l’oligarchique anarchie des Seize, contre l’étroite ambition de Mayenne, contre l’ambition couverte de sang de Philippe II. Une admiration éclairée de Henri IV, son héros, et justifiée par les faits, donne à son livre l’émotion et y répand la lumière. Grave et convaincu, passionné dans la modération des sentiments et dans l’amour du pays, M. Poirson rappelle ces parlementaires qu’il admire, dont la patriotique sagesse et dont la fermeté déjoua les projets de l’Espagnol et sauva la France agonisante.

Cette œuvre de conscience est en même temps une œuvre d’art. L’art ne consiste pas en histoire à éblouir les yeux par des pages étincelantes ou à flatter l’oreille par l’agencement sonore et vide des périodes ; il est dans la sage distribution des parties, dans la lumineuse exposition des faits, dans le développement bien entendu des divers mobiles d’action de chaque parti. Aucune de ces qualités ne manque au livre de M. Poirson. Il a pris place désormais parmi les maîtres du grand art de l’histoire. La sagacité, la netteté avec lesquelles sont compris et rendus les efforts des différents partis de 1589 à 1593 sont vraiment admirables. L’entrée de Henri IV à Paris et l’occupation successive des divers quartiers de la ville, le départ des Espagnols, en rectifiant les idées fausses communément répandues à ce sujet, est un tableau admirable de sobriété à la fois et de mouvement. L’exposé du grand dessein de Henri IV est un chef-d’œuvre de discussion claire, de démonstration et d’évidence.

On pourra bien à l’avenir recommencer cette histoire, abréger, allonger, faire autrement, on ne fera pas mieux. On n’apportera pas un fait nouveau, on ne renversera aucun des points établis par l’historien. C’est une époque, à jamais fixée dans la justice et dans la vérité.

Il y a toute une partie de ces récits qui, à elle seule, exigerait un long article pour une exacte appréciation. C’est celle qui atrait à l’état des lettres sous Henri IV. M. Poirson a été là un critique littéraire d’un goût exquis et d’une solidité de jugement rare. Il faut lire tout ce qu’il a écrit d’excellent et de neuf sur d’Aubigné, sur du Bartas, sur Malherbes, sur l’éloquence de ces temps troublés, sur du Fay, du Vair, du Plessis-Mornay.

Napoléon Ier, en fondant l’Université, ne voulait pas seulement donner des maîtres habiles à la jeunesse des lycées de l’empire. Il entendait en même temps créer