Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/135

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C’est trop de modestie, & je veux, Alexandre,
Moi qui suis ton pays, glorifier ta cendre
Sur ce mètre pompeux, de tous le souverain,
Et que nous te devons, le large alexandrin.
Car ce vers souple & fier aux belles résonnances,
Où l’idée est à l’aise & prend les contenances
Qu’il lui plaît, ce grand vers majestueux & doux,
Et que Pierre Corneille, un autre de chez nous,
A fait vibrer si clair & si haut, c’est ton œuvre ;
Œuvre solide & bonne, & que nulle couleuvre
N’attaquera jamais sans y laisser ses dents !

Notre sol plantureux, qui pour tous les Adams
Fait mûrir au soleil la belle pomme ronde,
A l’heur incontesté de t’avoir mis au monde.
Sous les arbres touffus de Bouffey, tu grandis
Au milieu de fiers gars, tous fiers, joyeux, hardis,
Robustes paysans dont la blouse rustique
Rappelle des Gaulois le vêtement antique,
Gens faits pour la charrue & faits pour la chanson !
Sifflant avec le merle, écoutant le pinson,
Regardant le ciel pur rire à travers ton verre,
Tu chantais, Alexandre, en libre & franc trouvère,
Tes amours, tes gaîtés, comme nous faisons tous ;
Les rimes s’échappaient bruyantes par les trous
De ton cerveau fêlé.
De ton cerveau fêlé. Certes, plus d’un notable,
Le soir, haussait l’épaule en se mettant à table,
Lorsque tu revenais par la porte d’Orbec,