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LE • MÉNESTREL

CONCERTS DIVERS


Le Triton (8 mars). — Parmi les œuvres données en première audition, il en est une qui se détache, qui en douterait ; c’est le Quatuor no 2 d’Arthur Honegger, un Honegger épuré, clair d’intentions, presque simple de forme, qui laisse admirer à loisir la constante grandeur d’une inspiration qui est sans doute la plus belle de notre temps. La première audition laisse en particulier sur le souvenir de cet Adagio d’une gravité religieuse, dont il serait beau d’étudier à loisir l’architecture.

Les sept Haï-Kaïs de M. Maurice Delage, que chanta Mme Madeleine Grey, se signalent par l’esprit et la fraîcheur. L’auteur, à coup sûr ne cherchait pas davantage. Il y a plus d’ambition dans les Danceries de M. Claude Delvincourt, mais l’auteur semble s’être laissé plutôt séduire par des formules, et la verve de ses Cinq pièces n’apparaît que comme un exercice de l’intelligence. La virtuosité de M. Roland Charmy, qu’accompagnait l’auteur, y trouvait du reste ample matière. Dirons-nous que nous préférons à ces élégances d’artiste la gauloiserie faubourienne de la Fête de M. Emile Passani, qui n’épargne pas les cocasseries de sonorités et d’écriture et qui, dans sa bonhomie un peu grosse, atteste une sorte de vrai tempérament. Mlle Marguerite Pifteau s’y tailla un succès. Quant au Quatuor de M. Jean Français, il nous apporta les joies mesurées et les déceptions auxquelles cet auteur nous a accoutumés ; c’est le triomphe de la facilité dans les cadres traditionnels.

Michel-Léon Hirsch.

Association Florence Blumenthal. — Une matinée artistique qui avait lieu au théâtre de l’Odéon était consacrée à quelques poètes et musiciens lauréats de cette fondation américaine « pour la Pensée et l’Art français ». Des poèmes d’André Berry, Eugène Dabit, Marcel Sauvage, Paul Haurigot et de bien d’autres encore, furent interprétés par des artiste de l’Odéon et de la Comédie-Française. La partie musicale était brillamment représentée avec : Georges Migot (Livre des Danceries) ; Manuel Rosenthal, dont les fragments du charmant opéra-bouffe, Rayon de Soieries furent très finement détaillés par Mme Vera Peeters, MM. Rousseau et Balbon ; P.-O. Ferroud (Trio en mi pour clarinette, hautbois et basson, remarquablement joué par le Trio d’Anches de Paris) ; enfin Marcel Delannoy qui, avec son Quatuor à cordes animé à la perfection par le Quatuor Calvet, nous donne une des manifestations les plus heureuses de son talent si personnel.

D.B.

La Sonate (10 mars). — Pour ce groupement, fondé par M. Heinz Jolles, et maintenu, dirigé et animé par lui, voici le deuxième Concert de la deuxième année ; et dans la salle du Conservatoire un public se presse, de plus en plus ample ; non comme à une séance fugitive, mais comme à une de ces rencontres régulières où se façonne une tradition. Tradition d’étude, en effet, et d’approfondissement ; avec la joie des découvertes, en un passé dont ne s’épuisent jamais les surprises. Cette fois il s’agit de Schumann et de Hugo Wolf. Et c’est le Schumann des toutes jeunes années que le jeu ardent et souple de M. Jolles nous fait d’abord ressaisir : celui des Intermezzi, op. 4, et de la fascination par Chopin et par l’enfant prodige Clara Wieck. « Mon repos est perdu », note-t-il au milieu de l’œuvre. Et cette perte de repos, c’est tout ce qui en un corps, en une âme, creusera comme des sillons de « légendes » et d’« images », de « Märchen » et de « Phantasien », toute l’architecture et tout le ravage où un être se crée et se détruit. Jusqu’à la Fantaisie en ut majeur et aux Arabesques, où la précision et la fougue de ce piano vinrent nous conduire. Et aussi jusqu’à ces Märchenbilder, pour alto et piano-forte, si rarement jouées et que M. Henri Benoit, auprès de M. Jolles, nous aida si diligemment à rejoindre.

Pour Hugo Wolf, ce fut Mme Elsa Scherz-Meister qui, toujours avec M. Heinz Jolles, nous permit de suivre les lignes puissantes et contrastées d’un rêve et d’un destin. Seule, faute d’espace, une allusion est ici possible. Mais que ce soit, du moins, signalée l’extrême beauté des deux Lieder retrouvés en 1936 : In der Fremde ; et, le second surtout, Ghazel !

Claude Altomont.

Le Mouvement musical en Province


Lyon. — Les Grands Concerts nous ont fait connaître, avec une interprétation parfaite, la Pantoufle de Vair, l’œuvre excellente de Marcel Delannoy. M. Jean Witkowsky dirigea, au même programme, Jour d’été à la Montagne de Vincent d’Indy.

M. Gregor Piatigorsky, l’un de nos meilleurs violoncellistes, a joué avec bonheur le Concerto de Hændel.

— Aux Heures, Mlle Denise Soriano, violoniste de valeur, a donné des œuvres de Glazounow, Bach, Wiemawsky.

Le concert se termina par le Chemin de Croix d’Alexandre Georges, splendidement conduit par M. André Thiriet et interprété par Mmes Marguerite Revellin, Pfister ; Mlle Madeleine Gourju ; MM. Maurice Didier et Guy Lambert. Mme Grignon-Faintremie fut un parfait récitant.

— Au Trigintuor, soirée captivante à laquelle prêtait son concours l’admirable Charles Panzera. Au programme : Chansons Bourguignonnes au pays de Beaune, de Maurice Emmanuel, Sosie de Schubert et le Roi des Aulnes. L’orchestre de M. Bourmanck donna encore l’Ouverture de Janosyk de Moyses, et des œuvres de Mozart, Rivier et du compositeur japonais Schukichi-Mitsukuri.

— Le pianiste Uninsky, l’un des meilleurs interprètes de Chopin, nous a présenté avec délicatesse des Études et Mazurkas de l’incomparable maître polonais.

— On a également apprécié un tout jeune virtuose, Rudolf Firkusny, dans des œuvres de Bach, Prokofieff, Debussy, Poulenc, Smetana et Suk.

— Aux Célestins, création de l’amusante opérette de Paul Misraki Normandie, avec une troupe très homogène : Marguerite Gilbert, Hasti, Robert Casa, Numès fils, Denise Gaudart, R. de Fives, S. Charly, etc.

J. B.

Nancy. — Aux Concerts Symphoniques, une très belle exécution des Enfants à Bethléem avec le concours des « Petits Chanteurs du Conservatoire », dont la discipline honore grandement leur directrice, Mlle Lair. M. Alfred Bachelet dirigea l’émouvante œuvre de Gabriel Pierné avec une pertinente ferveur. Rébecca de César Franck et Deux Cramignons wallons de Marcel Orban valurent aux chorales Alsace et Lorraine ainsi qu’aux chœurs du Conservatoire un juste succès. Signalons le bel effort fait par Mme Engrand, qui remplaçait au dernier moment Mlle de Pardieu dans le rôle de la Vierge des Enfants à Bethléem.

L. G.

Pau. — Au Palais d’Hiver, quatre des plus grands maîtres du piano : Bach (Caprice sur le départ…), Mozart (Sonate en fa), Beethoven (Appasionnata), Chopin (douze Études) se partageaient le programme de Paul Loyonnet, artiste si attachant par la sincérité de ses interprétations.

— Après quatre ans de silence, nous retrouvons une Jacqueline Nourrit grandement mûrie physiquement et musicalement. Chez cette jeune artiste, pointe le souffle d’une personnalité qui prendra bientôt tout son essor. Et si l’expression étudiée des interprétations reste encore quelque pen enfantine dans Haydn, Mozart (Sonates), elle se hausse souvent jusqu’à la plénitude d’accent dans Chopin (Études-Berceuse), Schumann (Arabesque, Hallucinations), Debussy ou Poulenc.

— Nous ne citons que pour mémoire le « super-gala » (à Pau, mais oui), de Thaïs, soirée du 14 février ; Mme Nespoulos et M. Cabanel, seuls, ayant fait honneur à ce super-titre en donnant une super-interprétation de ce super-opéra.

R. Pépin.
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