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LE • MÉNESTREL


Dimanche 14 mars. — Mlle Almona chanta l’air de la Messagère de l’Orfeo de Monteverdi et l’air de la Clémence de Titus de Mozart. Elle possède une voix de contralto particulièrement vibrante et sonore, au registre étendu, quoique les notes les plus graves manquent un peu de pureté. Elle paraît faite davantage pour la scène que pour le concert, tant elle témoigne de vaillance et de vigueur. Peut-être pêche-t-elle par l’excès de placidité. Le récit de la Messagère est d’une intensité tragique dans sa simplicité qui ne souffre pas l’indifférence, même de la part d’un bel organe. Mlle Almona fut plus à l’aise dans Mozart, où il lui fut facile de faire valoir une virtuosité éprouvée.

M. Roland Charmy, qui interpréta la Symphonie espagnole de Lalo, est un artiste dans toute la vigueur et le sens musical de sa maturité. Rares sont les solistes qui donnent comme lui cette impression de constant équilibre, de nerfs d’acier dominant un tempérament fort. Et c’est son mérite et son secret aussi de faire accepter sous son archet maintes phrases vulgaires dont la longue pièce de Lalo est semée.

M. Paul Paray faisait entendre en première audition un Stellus de M. L. Dumas, suite tirée d’un poème dramatique de son frère, le regretté poète Charles Dumas. La musique ne nous apporte guère que des poncifs d’une inspiration et d’une forme appartenant à un moment très éphémère, que nous avions appris, depuis Debussy et Fauré, à oublier.

Le concert commençait par la Septième Symphonie de Beethoven et se terminait par la Suite que M. Jacques Ibert a tiré de son ballet Diane de Poitiers.

Michel-Léon Hirsch.

Concerts-Lamoureux

Samedi 13 mars. — Le Dimanche basque, suite pour piano et orchestre de Raoul Laparra, a reçu un accueil que son auteur (qui était en même temps brillant interprète) n’oubliera pas de sitôt. Le charme de ce poème, conçu d’après quatre textes populaires, se traduit mélancolique ou tumultueux, grave ou ardent, en courts épisodes riches en couleur et orchestrés avec une délicatesse extrême. Le Dimanche basque est digne de figurer couramment dans les programmes des grands concerts, d’autant plus que l’on sait l’adresse et le goût de M. Laparra pour l’écriture pianistique. Mme Lucienne Tragin, à qui il ne manque qu’un peu plus de puissance pour devenir une artiste complète, se fit applaudir en chantant l’air de Constance de l’Enlèvement au Sérail et Shéhérazade de Ravel. La Symphonie pastorale et la Suite du Coq d’or valure à M. Eugène Bigot un vif succès personnel.

Dimanche 14 mars. — Le Concerto pour piano et orchestre de M. Daniele Amfitheatrof est une œuvre chaleureuse, dont le dynamisme passionné a été traduit par Mme Magda Tagliafero avec toute la fougue désirable. Les poignants accents de l’andante, le thème allègre du final trouvèrent, en la belle artiste, une interprète de choix. Le public a tenu à associer, dans son ovation, auteur et exécutante, et à les acclamer longuement. Mme Tagliafero joua, en outre la Fantaisie hongroise de Liszt, qui convient particulièrement à son jeu souple et brillant. Elle fut accompagnée un peu lourdement par l’orchestre, qui, sous la direction de M. Eugène Bigot, fit encore entendre l’École des Maris de Bondeville, les Fontaines de Rome de Respighi et des fragments de la Damnation de Faust, dont nous détacherons la Marche hongroise, particulièrement bien conduite.

R. S.

Concerts-Pasdeloup

Samedi 13 mars. — Festival Brahms ; et, pour le diriger, M. Félix Weingartner revenait parmi nous. Avec la même ampleur de style, toujours, le même sens de la grandeur et de la forme, le même souci de luminosité et de synthèse. La Deuxième Symphonie le montra souverainement, aux moments culminants de la séance ; mais déjà, dès le début cette Ouverture Académique que Brahms échafauda, en puissants contrepoints de sérieux et d’inoui sur des chansons d’étudiants ; et n’était-ce, à quelque degré, en apercevant à l’horizon, non comme modèle, mais comme élément de fantastique rivalité, l’Ouverture des Maîtres Chanteurs ?

La vigoureuse technique de M. Henri Merckel triompha des multiples difficultés instrumentales, assemblées dans le Concerto pour violon.

Dimanche 14 mars. — Devant une salle tout entière remplie, M. Weingartner, par un Festival Beethoven, couronne son festival de la veille. Et c’est d’abord par une magnifique exécution de l’Ouverture de Léonore. Ensuite par le Concerto en ut mineur pour piano et orchestre, où le jeu de Mme Marguerite Long témoigna de toutes ses ressources et de toute sa sensibilité. Enfin, par la Symphonie Héroïque, qui réapparaissait comme en son essence. En l’intégralité de sa puissance apollinienne.

Claude Altomont.

Orchestre Symphonique de Paris

Dimanche 14 mars. — L’art de Mme Stell-Andersen se distingue plus par l’expression que par la virtuosité. Son interprétation du Concerto en la mineur de Grieg est très sensible, mais elle subordonne l’élément pianistique à des demi-teintes et enjolivures qui affadissent l’œuvre.

M. Michel Steiman assure une interprétation magistrale du Poème de l’extase d’Alexandre Scriabine. Cette œuvre, qui se situe au seuil de la période mystique, est l’expression de l’Esprit pur dégagé de toute contingence humaine. Un frappant sentiment de l’Unité se dégage de la mise en œuvre des onze thèmes constitutifs.

La Symphonie no 5 de Tchaïkowski, qui complétait le programme et qui fut exécutée avec soin, est certainement la moins bien venue des six. La construction en est assez lâche, les italianismes l’alourdissent et elle pêche par une fâcheuse affèterie du lyrisme. Elle ne donne pas l’impression de force et de grandeur qui se dégage de la quatrième ou de la sixième.

P. G.

Concerts-Poulet-Siohan

Samedi 13 mars. — Cette séance de musique espagnole, en dépit de Nuits dans les Jardins d’Espagne, ne ressemblait pas à celles dont nos associations de concerts sont si prodigues. Il s’agissait de célébrer la Catalogne, et l’on avait fait, pour la circonstance, appel au chef d’orchestre de Barcelone, M. J. Lamothe de Grignon.

Au travers des œuvres, surtout vocales, qui furent exécutées, la musique catalane apparaît d’inspiration paysanne, essentiellement mélodique, à peine touchée par les tentatives de renouvellement formel, toute naïve et fraîche d’écriture, d’un parfum incontestablement singulier, que je rapprocherais volontiers, mise à part l’alacrité méditerranéenne, de la musique de Smetana. Quelques œuvres : Trois Chansons de R. Gerhard, Canciones Playeras de Espla, dans leurs thèmes gaillards ou douloureux, appartiennent à la chanson populaire ; les Goyescas du grand Enrique Granados sont d’une autre classe. Les deux poèmes symphoniques exécutés, Pastoral de Juli Garreta et Andalucia de Lamothe de Grignon, témoignent, à des degrés divers, d’une sensibilité généreuse.

Mme Conchita Badia, à qui incombait la lourde tâche de présenter les deux tiers du programme, est une cantatrice de premier ordre, qui chante d’une voix simple, chaude, sympathique, étayée sur une culture de vraie artiste.

M. Alexandre Vilalta, qui tenait le piano dans l’œuvre de Manuel de Falla, devrait sacrifier quelque chose de son étincelant mécanisme à la vérité d’un morceau qui n’a guère besoin, pour émouvoir, de prouesses musculaires.

Michel-Léon Hirsch.
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