Page:Le Ménestrel - 1896 - n°43.djvu/1

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3422. — 62me ANNÉE — No 43.
Dimanche 25 octobre 1896
PARAIT TOUS LES DIMANCHES
(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne)
Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE


MUSIQUE DE PIANO

Nos abonnés à la musique de chant recevront, avec le numéro de ce jour :

ANTOINE WATTEAU

no 4 des Portraits de peintres, pièces de Reynaldo Hahn. — Suivra imméditament : Les Révérences nuptiales, no 1 de la collection des Vieux Maîtres, transcription pour piano de Louis Diémer d’après Boismortier (1732), répertoire de la Société des instruments anciens.


MUSIQUE DE CHANT

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de chant : Il m’aime, m’aime pas, mélodie italienne de P. Mascagni, traduction française de Pierre Barbier. — Suivra immédiatement : Prélude, nouvelle mélodie de Renée Eldèse, poésie de Henri de Régnier.

ÉTUDE SUR ORPHÉE

De GLUCK
(Suite)

Au point de vue de la succession des tonalités, les différences s’accusent davantage. Dans l’opéra italien, l’unité tonale est si bien observée que la musique du tableau tout entier a pu être écrite d’un bout à l’autre avec la même armure à la clef (trois bémols) sans nécessiter la trop fréquente intervention des altérations accidentelles. Le prélude d’orchestre, en mi bémol, s’enchaîne naturellement avec le dessin de la harpe et la première attaque du chœur, qui sont en ut mineur. L’air de ballet suivant, ainsi que la reprise et le développement du chœur, se maintiennent dans cette tonalité ; puis on revient en mi bémol, avec l’air d’Orphée. Le chœur reprend en mi bémol mineur, puis module rapidement, et amène les deux chants d’Orphée, avec lesquels il alterne en fa mineur, ton et mode qui se maintiennent jusqu’à la fin.

La transposition du rôle d’Orphée de la voix de contralto à celle de ténor et la nécessité de donner la seconde partie du chœur aux hautes-contres ont amené un remaniement général qui, il faut l’avouer, n’est pas toujours à l’avantage de la version nouvelle. C’est ainsi que, le prélude instrumental restant en mi bémol, le chœur avec lequel il s’enchaîne est élevé d’un ton, passant en ré mineur. L’air d’Orphée est en si bémol, de façon que dans le dessin vocalisé de la dernière période : « À l’excès de mes malheurs », la voix monte jusqu’au contre-. Les relations tonales des épisodes suivants restent un moment ce qu’elles étaient dans l’œuvre originale, les morceaux se succédant à la quarte inférieure des tons primitifs : le chœur « Qui t’amène en ces lieux, » en si bémol mineur, et les deux chants d’Orphée : « Ah ! la flamme qui me dévore, » et « La tendresse qui me presse, » en ut mineur ; mais les chœurs : « Par quels puissants accords, » et « Quels sons doux et touchants », au lieu de rester dans le même ton, répondent, le premier à la dominante, sol mineur, le second à la quarte supérieure, fa mineur, ton dans lequel s’achève la partie chantée de la scène.

Enfin, l’orchestre des deux versions présente des différences considérables. Dans Orféo, la suprématie reste, pleine et entière, aux voix, qui ne sont accompagnées que par les instruments à cordes, avec, de loin en loin, quelques notes de hautbois et de cors, ainsi que la harpe d’Orphée. C’est du moins tout ce que spécifie le manuscrit de Vienne. Déjà pourtant la partition gravée d’Orfeo mentionne les tromboni e cornetto comme renforçant les voix sur le « No ! » par lequel les voix formidables des démons répondent à la supplication d’Orphée : les parties de ces instruments sont notées sur la même portée que celle des violons. Les cornetti, avec les hautbois, sont encore portés comme doublant la partie des premiers violons dans les chœurs : Misero giovane et Ah ! quale incognito.

Dans la partition française gravée, il n’est fait mention que d’une trompette (dans Orfeo, c’étaient des cors) mélant, dans le prélude, ses notes isolées et aiguës aux sons graves et tenus des instruments à cordes et des hautbois, et, sur le « Non ! » de l’air « Laissez-vous toucher », aucun nom d’instrument de cuivre n’est porté à la tablature. Mais les autres documents français donnent des indications toutes différentes.

C’est d’abord la partition conductrice et les parties séparées qui nous montrent, dès le prélude, la trompette et les cors jouant ensemble, et les trois trombones unissant leurs puissantes voix aux accords plus sourds des instruments à cordes dans le grave et des hautbois et bassons. Les trombones continuent et doublent les voix d’hommes pendant toute la durée de la scène, même dans les morceaux ayant un caractère doux, — tandis que les clarinettes unies aux hautbois accompagnent les soprani et que les bassons suivent la partie des basses à cordes. Ainsi la sonorité de la partie chorale est-elle considérablement renforcée.

Comme on l’a expliqué précédemment, la partition conductrice et les parties d’orchestre sont des documents qui doivent faire autorité par-dessus tout autre ; aussi, les ayant consultés, ne saurions-nous partager l’avis de Berlioz lorsqu’il écrit :