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LE MÉNESTREL

qui, cahin-caha, surnage comme il peut. « Surnage » est bien le mot qui convient, car, lorsqu’il pleut — et, malheureusement, ce n’est, cette année, que trop fréquent — ce brave théâtre est à peu près submergé. Nous avons une fois assisté à une de ces représentations — on donnait Gli Ugonotti — avec accompagnement inopiné et inattendu d’une pluie torentielle. Le spectacle qu’a alors présenté la salle est inénarrable : Interdits, les artistes en scène s’arrêtent : le public crie : Continuez ! et l’orchestre repart. Mais tout à coup, une avalanche d’eau envahit la salle, et tous les spectateurs montent sur les sièges et s’installent bravement sur les bras et les dossiers d’iceux, en se cramponnant les uns aux autres et avec des cris, des rires et des exclamations du plus cocasse effet. Les chanteurs se tordaient. Pendant l’entracte, les pompiers de service ont dû vider la salle (Historique).

Nous avons ensuite le Jardin Espagnol, avec le même répertoire, des artistes à peu près de même valeur — quelques-uns non sans mérite, et au même prix. L’établissement est moins exposé aux intempéries, et les choses y sont plus calmes. Le chef d’orchestre est M. Fr. Perez-Cabrero, un musicien parfait.

Puis, le théâtre Gran-Via, très à l’abri celui-ci, la troupe Giovannini (opérette et opéra demi-caractère) qui fait florès, et qui, possède parmi ses pensionnaires, une petite chanteuse légère — élève, dit-on du baryton Verger — qui est de tout point exquise, la signorina Galvani.

Enfin, cela n’étant pas assez pour le dilettantisme, amateur de bon marché, des Barcelonais, voici qu’on nous annonce au théâtre de Novedades, un autre spectacle de grand opéra italien, avec une compagnie di primo cartello composée comme suit : maestro concertatore directore, M. Vicente Petri ; tenori : MM. Bicletto, Morales et Brotat ; soprani Mmes d’Arneiro, Jacquemot ; contralti : Mmes Mas (Concetta) et d’Herrera ; baritoni : MM. Arago, Mestres, Borghioli ; bassi : MM. Perelli, Visconti et Oliveras. On donnera la Dolores, du maestro Breton, en italien, pour la première fois. Ici, le prix d’entrée sera de O fr. 75 c. Gageons qu’on trouvera ça cher.

En outre, on annonce la prochaine arrivée du comédien Ermete Novelli, dont la troupe jouera à l’Eldorado.

Tous nos théâtres d’été seront donc occupés par des compagnies italiennes. Pour entendre jouer ou chanter en espagnol, il faudra désormais prendre le chemin de fer et s’en aller n’importe où !

Une poignée de nouvelles :

Au Jovellanos, de Madrid, on vient d’étrenner une zarzuela de MM. Perrin y Palacio, musique des maestros Caballero et Chálons, intitulé El Saboyano. Grand succès d’interprétation ; mais l’œuvre est terne, et la musique aussi.

M. Tomás Breton termine la musique d’un livret espagnol dû à M. Eusebio Serra. Titre encore inconnu.

À Bilbao, au sanctuaire de Bogoña, on s’apprête à célébrer un congrès international, dans le but de faire un choix d’œuvres de musique religieuse, anciennes et modernes. Ce « tribunal » devra surtout décider des pièces musicales qui doivent être retirées des églises, à cause de leur saveur profane. Il sera présidé par les maestros Pedrell, Valle et Bordes. L’orphéon bilbaino fera entendre des œuvres de Palestrina, Ladesma, et divers chants grégoriens. Sans doute, ce sera beau ; mais ce que ce sera divertissant !

Sur un poème de M. Aladern Vidal, intitulé la Heroïna, le directeur de la musique municipale de Reus, M. Vergès, est en train de composer un opéra en un acte et deux tableaux. Le sujet est basé sur un épisode du moyen âge.

Le maestro Chapi vient de terminer un nouvel ouvrage : la Virgen de Piedra (la Vierge de pierre), dont le livret est de MM. Vela et Servet.

Une œuvre nouvelle de M. Roberto de Palacio, intitulée : Fotografias intéressantes, et mise en musique par le maestro Moreno Ballesteros, vient d’être représentée au théâtre Maravillas, à Madrid. Succès d’estime.

Même accueil, à ce même théâtre, a été fait à une zarzuela-revue intitulée : A Caza de tipos (Chasse aux types) de MM. Deusdedit Criado et Varela Diaz, musique du pianiste, M. Fascina.

On a parlé beaucoup, ces jours derniers de la démission de M. Rodoreda, chef de notre bande municipale, et de son remplacement par l’excellent artiste Antoine Nicolau. Mais, informations prises, M. Rodoreda conserve son bâton et son casque.

A.-G. Bertal.

— Le théâtre de la Trinité à Lisbonne, vient de donner avec succès la nouvelle opérette, les Fils du capitaine Mor, musique de MM. Machado et del Negro, dont nous avions annoncé la prochaine apparition.

— Le 30 août prochain, aura lieu, à Bilbao, un concours où les musiques françaises du 57e de ligne et de l’École d’artillerie de Toulouse doivent se rencontrer avec six musiques militaires espagnoles (l’École d’artillerie de Ségovie et les régiments de ligne Andalucia, Bailen, Cantabria, Garellano et Valencia). La municipalité offre deux premiers pris de 5, 000 pesetas, plusieurs autres de 2.000 ; total 25.350 pesetas. Dans le jury on remarque MM. Breton, l’auteur de los Amantes de Teruel ; Chapi, l’Offenbach de Castill ; le savant chanoine Barrera, maître de chapelle de la cathédrale de Burgos ; Gailhard et Paul Vidal, de l’Opéra ; Vincent d’Indy, Parès, de la Garde républicaine ; Bordes, des Chanteurs de Saint-Gervais, etc.

— Les représentations de Bayreuth ont pris fin avec la quatrième et cinquième série de l’Anneau du Nibelung dirigées toutes les deux par M. Siegfried Wagner. Aucun nouvel artiste ne s’est produit pendant ces deux dernières séries. Les journaux remarquent que le nombre des visiteurs allemands a été fort restreint ; les Français en première ligne, les Américains et les Anglais formaient la majorité du public.

M. Hans Richter a publié dans le Times une lettre intéressante au sujet de la participation de M. Siegfried Wagner à la direction du théâtre de Bayreuth. Plusieurs journaux anglais, entre autres le Times, avaient blâmé ouvertement la part prépondérante que le fils de Richard Wagner commençait à prendre à Bayreuth et un correspondant avait même critiqué la manière dont ce jeune chef d’orchestre avait conduit la quatrième série des représentations de l’Anneau du Nibelung. Les journaux anglais avaient aussi raconté que M. Richter s’était opposé à la participation de Siegfried Wagner aux travaux artistiques de Bayreuth. Or, M. Hans Richter déclare que toutes ces assertions sont fausses. Selon son opinion, M. Siegfried Wagner est d’ores et déjà un chef d’orchestre compétent, voire même remarquable, et qui promet beaucoup comme directeur du théâtre et régisseur général. Le célèbre kapellmeister viennois ne manque pas de constater avec ironie que les critiques dirigées contre M. Siegfried Wagner, comme chef d’orchestre, étaient datées du 6 août, tandis qu’il n’avait commencé que trois jours après à diriger la quatrième série des représentations qui lui avait été réservée. Dans ces conditions, il se pourrait bien que le fils de Richard Wagner devînt bientôt le chef d’orchestre principal du théâtre de Bayreuth.

— À Breslau, la représentation donnée en l’honneur de l’empereur de Russie comportera le second acte du Vaisseau fantôme et une saynète militaire de Moser, Sage au feu.

— Les théâtres d’outre-Rhin commencement à rouvrir et les œuvres françaises occupent de nouveau une place considérable dans le répertoire de ces théâtres. À Vienne, c’est Manon qui a été jouée lors de la soirée de gala donnée en l’honneur des souverains russes. Au théâtre grand-ducal de Bade le jubilé du grand-duc sera célébré par une série de représentations extraordinaires, sous la direction de M. Félix Mottl, et nous trouvons parmi les œuvres choisies les Troyens, de Berlioz, les Deux Avares de Grétry, les Petits Savoyardes, de d’Alayrac et Djamileh, de Bizet. À Berlin, on prépare Benvenuto Cellini, de Berlioz.

— Une société de facteurs de musique allemands se propose d’établir à Berlin, un magasin, à l’instar des grands magasins de nouveautés parisiens, où la vente de toutes sortes d’instruments de musique sera concentrée. Il paraît que les importants capitaux nécessaires à cette entreprise sont déjà souscrits.

— Un décret du ministre de la justice d’Autriche ordonne la formation de commissions permanentes d’experts à Vienne, à Prague et à Lemberg, pour fournir aux tribunaux des rapports sur toutes les questions se rattachant à l’art musical qui pourraient surgir au cours des procès concernant les droits d’auteurs. Ces commissions sont prévues par la nouvelle loi autrichienne sur les droits d’auteurs que nous avons amplement traitée dans le Ménestrel, il y a quelques mois.

— On vient d’inaugurer, sans aucune cérémonie, une plaque commémorative apposée sur la façade d’un palais du Campo Sant’Angelo, à Venise, portant l’inscription : « Ici Cimarosa demeura et mourut ». Le grand compositeur, condamné pour avoir mis en musique des hymnes révolutionnaires, s’était, en effet, réfugié à Venise où il mourut en 1801. Son tombeau n’existe plus, l’église du Campo Sant’Angelo où il se trouvait, ayant été démolie, en 1828, sous la domination autrichienne.

— Le conseil municipal de Gênes a fixé à 80.000 francs la subvention qu’il accorde à l’impresario du théâtre Carlo Felice. Ce n’est pas beaucoup pour une ville comme Gênes, où le public a de grandes prétentions.

— L’opéra inédit, en trois actes, Mosqueton de M. Francesca Saccanti, paroles de M. Cemarena, a été joué avec un succès brillant au théâtre Rossini de Naples.

— L’opéra Tosca, dont la composition a été entreprise par M. Puccini, ne sera pas joué en 1897, comme on l’avait annoncé. Le compositeur vient de déclarer que MM. Giacosa et Illica ne lui ont fourni, jusqu’à présent, que les paroles du premier acte et ne pourront pas terminer les deux derniers actes avant la fin de l’année. On assure que M. Sardou a consenti a figurer sur l’affiche parmi les collaborateurs du texte. La nouvelle œuvre a été acquise par la maison Ricordi qui se propose, dit-on, de faire représenter l’œuvre pour la première fois à Rome.

— Pour la prochaine saison du théâtre Bellini, à Naples sont annoncés quatre nouveaux opéras : les Pâques des fleurs, musique de M. Luporini, Padron Maurizio, musique de M. Giannetti, Fadette, musique de M. de Rossi et A San Francisco, musique de M. Sebastiani.

— Le compositeur Gaetano Cipollini, l’auteur du Petit Haydn, vient de terminer un opéra en un acte, intitulé la Maîtresse du roi et un opéra en deux actes, intitulé In magna Sila. C’est son frère, M. Antonio Cipollini, qui lui a fourni les livrets de ces deux œuvres.

— On nous écrit de Londres, que la princesse de Galles a fait dernièrement, incognito, une excursion à Bayreuth, pour assister à une série du cycle de l’Anneau du Nibelung, dirigé par le fils du maître. La princesse n’était accompagnée que par une de ses dames d’honneur, par sa femme de chambre de confiance et par un vieux serviteur. Elle n’a pas pris place