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3418. — 62me ANNÉE — No 35.
Dimanche 30 Août 1896
PARAIT TOUS LES DIMANCHES
(Les Bureaux, 2 bis, rue Vivienne)
Les manuscrits doivent être adressés franco au journal, et, publiés ou non, ils ne sont pas rendus aux auteurs.)

LE
MÉNESTREL

MUSIQUE ET THÉATRES
Henri HEUGEL, Directeur

Adresser franco à M. Henri HEUGEL, directeur du Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, les Manuscrits, Lettres et Bons-poste d’abonnement.
Un an, Texte seul : 10 francs, Paris et Province. — Texte et Musique de Chant, 20 fr. ; Texte et Musique de Piano, 20 fr., Paris et Province.
Abonnement complet d’un an, Texte, Musique de Chant et de Piano, 30 fr., Paris et Province. — Pour l’Étranger, les frais de poste en sus.
SOMMAIRE-TEXTE

i. Étude sur Orphée de Gluck, (1er article), Julien Tiersot. – ii. Semaine théâtrale : L’auteur de la Sonate du Diable, Arthur Pougin. – iii. Musique et prison (15e article) : Prisons politiques modernes, Paul d’Estrée. – iv. Journal d’un musicien (3e article), A. Montaux. – v. Nouvelles diverses, concerts et nécrologie.

MUSIQUE DE PIANO

Nos abonnés à la musique de piano recevront, avec le numéro de ce jour :

PASTORALE

de Ch. Grisart. — Suivra immédiatement : Femmes et Fleurs, de Paul Wachs.


MUSIQUE DE CHANT

Nous publierons dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique de chant : Attente, mélodie de Cesare Galeotti, poésie de M. de Moriana. — Suivra immédiatement : Jours d’automne, mélodie de Charles Levadé, poésie de Jules Oudot.

ÉTUDE SUR ORPHÉE

De GLUCK[1]

Il n’est pas, dans la poésie antique ou moderne, de sujet qui ait séduit les musiciens à l’égal de la légende d’Orphée. Cela se conçoit. En effet, sans même parler de la beauté essentielle du drame, où trouver un plus éclatant symbole du prestige de la musique que ce mythe, à la fois naïf et profond, qui la représente comme possédant un pouvoir tellement irrésistible qu’elle commande à la nature entière ? Car non seulement les éléments, les rochers, les bêtes féroces et les arbres des forêts sont soumis à son empire, mais, par un prodige stupéfiant, ses accents magiques en arrivent à vaincre jusqu’à la Mort !

Dès les premières manifestations du mouvement musical duquel sortit l’opéra, poètes et musiciens se placèrent à l’envi sous le patronage de leur mythologique initiateur. Le premier « drame en musique » des temps modernes est quant à la date, une Euridice qu’Ottavio Rinuccini et Jacopo Peri firent représenter à Florence, le 6 octobre de l’an 1600, lors des fêtes données en l’honneur des noces d’Henri iv et de Marie de Médicis. Dans la même année, un autre compositeur, Giulio Caccini, écrivait sur les mêmes vers une nouvelle partition.

Sept ans plus tard, musicien de génie, Monteverde, composa un Orfeo ; et l’on put voir dès lors quel avenir était promis au nouveau genre lyrique, tant cette œuvre, par la hardiesse de ses harmonies et la nouveauté de ses combinaisons instrumentales, surpassait les timides inventions des précurseurs florentins.

Vers le milieu du siècle, Mazarin voulut introduire en France cette forme d’art qui, en peu d’années, avait pris un si grand développement dans son pays : il fit venir à Paris des chanteurs italiens, et, le 2 mars 1647, leur fit donner une représentation au Palais-Royal, dans la même salle où Richelieu avait fait jouer sa tragédie de Mirame. Ce premier opéra joué en France fut encore un Orfeo, dont le compositeur avait nom Luigi Rossi.

La création de l’opéra allemand ne remonte guère au delà des dernières années du dix-septième siècle ; l’on en attribue l’honneur au Saxon Reinhard Keiser. Celui-ci, en 1699, composa un opéra qui fut représenté à Brunswick sous le titre de la Lyre enchantée d’Orphée (Dieu verwandelte Leyer des Orpheus) ; puis, reprenant son œuvre, il la développa et la divisa en deux parties, sous le nom général d’Orpheus (Hambourg, 1702) ; enfin, en 1709, il la réduisit de nouveau en une seule soirée, sous le titre d’Orphée en Thrase (Orpheus in Thracien).

En France, Lulli n’aborda point ce sujet ; mais ses deux fils, Louis et Jean-Baptiste, écrivirent un Orphée, en trois actes et un prologue, qui fut donné à l’Opéra de Paris le 8 avril 1690.

Mais c’est surtout sous forme d’opéra italien que la légende d’Orphée fut traitée avec continuité, depuis les origines jusqu’à la fin du dix-huitième siècle. On attribue à Zarlino, le célèbre théoricien de l’harmonie, la composition d’un Orfeo ed Euridice. Sous le même titre fut représenté un opéra d’Ant. Sartorio, à Venise, en 1672 ; puis vinrent : la Lira d’Orfeo, par Ant. Draghi, à Laxenbourg, près Vienne (1683) ; Orfeo ed Euridice, de Joh. Jos. Fux (Vienne, 1715) ; i Lamenti d’Orfeo, de Wagenseil (Vienne, 1740) ; Orfeo, de Karl Heinrich Graun (Berlin, 1752) ; l’Orfeo ed Euridice, de Gluck (Vienne, 5 octobre 1762) ; Orfeo, de Jean-Chrétien Bach (Londres, 1770) ; Orfeo ed Euridice, de Tozzi (Munich, 1775) ; Orfeo ed Euridice, de Bertoni (Venise, 1776) ; Orfeo de Guglielmi (Londres, 1780) ; Orfeo ed Euridice, d’Haydn, composé à Londres en 1793-94 et resté inachevé ; Orfeo, de Luigi Lamberti (vers 1800).

À ces œuvres écrites sur des poèmes italiens, il faut joindre un Orpheus anglais de J. Hill (Londres, 1740) ; un Orphée français, composé par Dauvergne vers 1770, et non représenté ; Orpheus, opéra danois de Naumann (Cophenhague, 1785) ; enfin, outre les compositions déjà citées de Keiser, les opéras allemands suivants : Orpheus, de Georges Benda (Gotha, 1787) ; un autre Orpheus, de Fried. Wiilh. Benda (Berlin, 1788) ; la Mort

  1. Cette étude est destinée à servir de préface à l’édition d’Orphée de Gluck, élaborée par M. Camille Saint-Saëns, conjointement avec notre collaborateur Julien Tiersot, pour la grande collection des œuvres de Gluck dont la publication est due à l’initiative de Mlle Fanny Pelletan.