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leur patience et leur bon caractère. Elles font tout ça que veulent leurs maris. C’est la canuserie que comporte ça. En 1832-1833, il était fort question du mariage du duc d’Orléans, Rosolin, comme l’appelaient alors les gens de l’opposition (d’un de ses prénoms : Ferdinand, Philippe, Louis, Charles, Rosolin, Henri d’Orléans). Depassio fit une chanson célèbre où il conseillait au duc, pour prendre une bonne épouse, de choisir une canuse :

La veux-tu vertueuse et douce,
Viens la prendre à la Croix-Rousse ;
Crois-moi, Rosolin,
Fais-toi republicain !

Littré dit : « peut-être de canette. » Non pas de canette, mais de canne, plus le suffixe ut pour u, qui représente le latin orem, français eur. Le canut est donc celui qui use de la canne (dont a été faite la canette). — Comp. peju, savetier, celui qui use de la poix.

Lecteur, regarde avec respect ce canut. Tu n’en verras bientôt plus. Lorsque j’étais borriau, voilà cinquante-deux ans en çà, il y avait à Lyon soixante mille métiers à main, entends-tu, soixante mille battants frappant la trame[1]. En 1890, année prospère, qui à bénéficié du succès de l’Exposition, il n’y en avait plus, selon une enquête de la Chambre de commerce, que douze mille. Et depuis lors, la disproportion est bien plus grande. Si j’en croyais une statistique de l’Office du travail, à l’heure où j’écris (juin 1894), il n’y aurait d’occupés que trois mille métiers à la main. J’espère que c’est une exagération. Mais il reste que le nombre des ateliers privés va diminuant chaque jour au profit du métier mécanique. C’est-à-dire que la famille disparaît devant l’usine. Cette organisation singulière de l’industrie de la soie, si profondément morale, unique entre toutes, aura bientôt cessé d’être.

Canu ou Canut, ouvrier à façon qui travaille à la canne, qui fait une longueur. (M. D.)

CANUT, USE, adj. — Qui tient de la canuserie. Le parler canut, les usages canuts. Souvent je veux parler français, mais le canut m’échappe.

Voilà z’à la Croix-Rousse
Les usages canuts :
Les femmes y sont douces
Et les maris, etc.

(Chanson canuse, air des Usages bretons).

CAPHARNAUM, s. m. — Se dit d’un tas d’objets, et généralement de vieux objets jetés en garenne, et où l’on ne peut pas se reconnaitre. Exemple frappant du sens péjoratif attaché à de certaines sonorités, car la ville de Galilée, où Jésus passa trois ans, n’avait rien de plus désordre que Bethléem, Nazareth ou toute autre.

CAPIÉ, CAPIYÉ, ÉE, adj. — Agglutiné, aggloméré. Se dit spécialement des fils de soie de la chaîne quand ils s’accrochent entre eux, rapport aux bourrons, et forment des tenues. Se dit aussi des cheveux agglutinés. Les buvanvins, au lendemain d’unc cuite, ont généralement les cheveux capiés. — Partic. de capier.

CAPTER, CAPIYER (SE), v. pr. — 1. Se coller, s’agglomérer, au propre et au fig. Pauv’ vieux, comment que t’as fait pour te capier avè une sampille pareille ?

2. Se tapir, se cacher. Je m’ai capiyé dans n’un coin pour durmi.

Italien cappiare, nouer ; cappio, nœud ; cappietto, défaut du tissage qui vient de la trame retenue par les nœuds de la chaine. De capere.

CAPON, s. m. — Poltron. Je ne sais quelle drôle d’idée Molard a de le proscrire. Il est en plein dictionn. de l’Académie. — Capon qui s’en dédit, exclamation que nous disons toutes les fois que, dans une gageure, l’on redoute de voir son adversaire retirer sa parole devant la gravité des conséquences possibles de sa gageure : Tiens, tant pis ! Deux sous à l’écarté, en cinq lié ? — Capon qui s’en dédit !

CAPONNER, v. n. — Caner, lâcher pied. Le Joset caponne toujou devant sa femme.

  1. Le chiffre de 60.000 métiers, pour l’époque désignée, m’a été obligeamment fourni par un ancien fabricant, membre de la Chambre de commerce. Il est de tradition dans la fabrique lyonnaise. Dons ces 60.000, on comprenait les métiers au dehors de Lyon, qui, de mon temps, commençaient à être assez nombreux. M. Rondot, dans le Bulletin des soies (24 juillet 1894), donne, sans citer d’ailleurs les sources où il a puisé, le chiffre de 27.450 métiers montés et en activité, intra muros, en 1840. M. Robin, cité par M. Morand (la Fabrique lyonnaise, page 27), donne, pour juin 1870, le chiffre de 35,216 métiers intra muros. — Enfin quoi ! suffit que de mon temps il y avait beaucoup de métiers, c’est sûr, et que l’on ignorait encore Les métiers mécaniques qui peu à peu envahissent tout.