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jeunes personnes ingénues blessent toujours un peu. Cela donne un air de candeur. J’en entendais une qui disait : « Mon frère dit très bien pigeon, mais moi je ne peux dire que pizon (z égale ici th doux anglais). » — De blaesare.

BLET, ETTE, adj. — Molard le proscrit. Toutefois il veut bien reconnaître « qu’il manque à notre langue ». Ce n’est pas exact, puisqu’il figurait déjà au Dict. de l’Acad. de 1798, mais, chose singulière, seulement au féminin. Aujourd’hui, il figure avec les deux genres. Beaucoup de personnes, croyant le mot lyonnais, se font scrupule de l’employer. Je l’ai pourtant entendu dans un bal du grand monde. 1er Monsieur, s’arrêtant en face d’une grande et forte dame : Belle femme ! Quel dommage qu’elle soye un peu mûre ! — 2me Monsieur, soupirant : Non, quel dommage qu’elle soye blette.

BLETON, s. m. — C’était la manière pour nos maçons, de dire béton. Comp. le vieux lyon. bochet devenu blochet, sorte de corbeau en bois.

BLETTE, s. f. — Poirée. — Blette n’est point une corruption de bette. Celui-ci vient de beta. Le premier vient de blitta pour blittum. Nous avions déjà blette au XVIe siècle : « Septitrien, riche entre tous les marchans, ne mange rien, sinon bletes et raves. »

BLEU, s. m. — Sergent de ville. Lorsque, en 1852, on créa les sergents de ville, on les composa d’anciens soldats que, pour leur faire connaître les êtres, on promena pendant quelques jours dans les rues de Lyon par escouades. N’ayant pas encore d’uniforme, on leur avait attaché au bras gauche, en signe de ralliement, un brassard bleu. Le peuple, qui regardait curieusement défiler ces inconnus, les appela aussitôt les bleus. Ils prirent bientôt leur service avec des noms et des uniformes qui ont varié depuis, mais le sobriquet était donné et subsiste encore.

Se faire un bleu, Se faire une ecchymose. Une dame me racontait qu’elle avait débaroulé par les escaliers, un jour de relème. J’ai tombé à cacaboson, me faisait-elle, je m’ai fait un bleu large comme une assiette ! — Comment pouvez- vous le savoir ? — (Baissant les yeux) C’est mon mari qui me l’a dit.

Bleu comme un paradis. Se dit pour exprimer une belle couleur bleu céleste.

J’avons vu l’habit du maître,
Qu’est bleu comme un paradis,

dit une chanson de Revérony. Comme on ne dit pas « bleu comme le paradis », mais « comme un paradis », il est vraisemblable que la comparaison s’applique non au vrai paradis que l’on n’a jamais vu, mais au paradis (reposoir) que l’on fait dans nos églises le Jeudi saint et dont le fond est habituellement bleu céleste.

Passer au bleu. — Disparaître. Faire passer au bleu, Faire disparaitre. Je suis-t-allé à la vogue des Choux. J’ai voulu prendre mon porte-liards ; passé au bleu ! — Y avait-i gros d’argent ? — Bigre, y avait neuf sous !

Le bleu est sans doute ici le symbole de la nuit. Comp. à borgnon bleu. Je me suis laissé dire que lorsque certains pays passaient trop au rouge, ils finissaient par passer au bleu.

N’y voir que du bleu, Être surpris de façon que l’on ne voit pas le tour que l’on vous joue. Chez les prestidigitateurs, j’adore de n’y voir que du bleu. Je suis bien plus ému si je crois que c’est pour de bon qu’on coupe la tête aux gens et qu’on la leur remet, que si on m’explique que c’est une farce.

Bleu, Fromage de geai. Dans un grand restaurant : Garçon, du bleu, s’il n’y a pas trop de vesons ! — Un de mes camarades tombait en extase à chaque fois qu’on levait la cloche du fromage bleu. Il disait que cela lui rappelait ses premières amours. Je n’ai pas su saisir cette affinité mystérieuse. Peut-être qu’il avait aimé la fille d’un marchand de fromage ?

BLEUSIR, BLEUSAYER, v. n. — Bleuir. v. a. — Mettre de la couleur bleue. — C’est bleuir où l’on a intercalé une s pour rompre l’hiatus.

BLONDE, s. f. — Une canante. La couleur du sujet ne fait rien à l’affaire et une blonde peut être brune. Le Claudius avè sa blonde se sont attrapés par la bourre. La blonde représente chez tous les peuples le type de la beauté. Si quelque lectrice, brune ou châtaine, s’étonnait de cette prééminence, je lui citerais, en manière de consolation, un proverbe de chez nous qui dit, à propos de celles qui sont un peu pruneau, « que le poivre noir est le meil-