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ment chez la mère Maréchal, à l’angle de le rue des Fossés (aujourd’hui rue d’Austerlitz) et de la rue du Mail, près de la place de la Croix-Rousse. C’est surtout le samedi et le lundi que ces réunions toutes platoniques comptaient le plus grand nombre de membres. Inutile d’ajouter que la mère Maréchal vendait le vin au litre.

À l’aurore de 1848, quelques ouvriers influents, pressentant la révolution, décidèrent les canuts à n’admettre dans leur société que des républicains. Dès cette époque, le nombre des Voraces s’accrut de jour en jour. Ils étaient environ 250 ou 300 à la chute de la monarchie de Juillet. C’est à partir de ce moment que le rôle des Voraces appartient à l’histoire lyonaise.

Le 24 février, ils descendent à Bellecour — sans armes et sans uniforme — pour s’emparer du poste. Les soldats ne voulant pas obéir à leurs injonctions, les Voraces formèrent le cercle et délibérèrent. Un certain Doncieux, qui se trouvait là, se mit à les haranguer ; ils le choisissent pour chef, bien qu’il ne fût pas connu d’eux, se mettent en colonne, passent par la rue Saint-Dominique et se rendent à l’Hôtel de Ville dont ils font le siège. Comme on ne s’empressait pas de leur céder la place, ils donnèrent l’assaut à coups de pierres. Maîtres du principal édifice de la ville, ils vont à la Préfecture dont le poste cède aussitôt. Tout cela s’était accompli dans la soirée.

Le lendemain 25, les Voraces se rendirent au fort Saint-Laurent. Un de leurs chefs, Vincent, surnommé Dumenton, parlementa avec l’officier de service qui emmena ses soldats en laissant leurs armes à la disposition des Voraces. Ceux-ci redescendent à l’Hôtel de Ville vers une heure de l’après-midi, puis s’emparent du séminaire situé au bas de la côte Saint-Sébastien. Le soir du même jour, ils vont prendre le bastion 4, en face du Mont-Sauvage. Là deux des leurs sont tués, par suite de l’imprudence de Lebretonnière, qui avait tiré un coup de fusil malgré la défense des chefs.

Victorieux sans avoir combattu, les Voraces s’organisent : Ravet est nommé commandant du Bastion des Bernardines, à côté des portes de la Croix-Rousse ; Jean Durand va commander le fort de Montessuy ; Chataigner, le fort Saint-Laurent, et Vial, le Palais de Justice. Ce dernier seul vit encore ; c’est grâce à son obligeance et à la fidélité de ses souvenirs qu’il nous a été donné d’établir cette notice.

Vers le 18 mars, Arago arriva à Lyon. Les Voraces voulaient l’arrêter. Il leur explique qu’il ne venait pas pour renverser la République, mais pour aider à la pacification des esprits. Il félicita les ouvriers de leur conduite et offrit un sabre d’honneur à chacun de leurs chefs. Au mois de juin, la révolution étant vaincue à Paris, les Voraces cédèrent à l’autorité et restituèrent les forts dont ils avaient pris possession. Toutes les sociétés de la Croix-Rousse disparurent du même coup.

Telle est, en résumé, l’histoire de ce mouvement ouvrier, qui fut révolutionnaire, mais qui reste bien lyonnais par son caractère idyllique. Qu’ont de commun, en effet, une révolte de ce genre, où il n’y eut ni massacres ni incendies, et la sanglante et lugubre tragédie de 1871 ?

VONS. — Vons-nous t’i, ou vons-nous t’i pas ? Allons-nous ou n’allons-nous pas ? Voyez t’i pas et pas. Quelques personnes qui veulent trop bien parler disent : Vons-nous t’i, ou vons-nous pas t’i ?

VORTIGEATION, s. f. — Action de voltiger. La vortigeation d’une arte. Au fig. Il a toujou la tête en vortigeation.

VORTIGER, v. n. — Voltiger. Sur la formation, voir farbalas.

VÔTE, s. f., terme de batellerie. — Donner vôte, Replier le bout d’un câble de manière à lui faire faire une boucle, qu’on attache fortement à l’aide d’une petite corde nommée batafi.

VOUATT, interjection négative. — Eh bien, au jour de l’an, ton patron s’est-il fendu ? — Ah vouatt !

VOULOIR. — Il ne veut pas pleuvoir, Il n’est pas probable qu’il pleuve. C’est comme si l’on disait : « Il n’a pas l’intention de pleuvoir. » Cette locution, qui attribue la volonté à un pronom impersonnel, est extrêmement drôle, et pourtant on comprend si bien ce qu’elle veut dire ! Le mot vouloir se prend aussi pour « penser, supposer ». M. Daudet l’a employé dans ce sens de façon charmante. « Mais enfin (dit Jacques à son père), pourquoi voulez-vous