Page:Le Littré de la Grand'Côte, éd. 1903.pdf/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SEMPLE, s. m. — 1. Dans le métier de canut, antérieurement à la Jacquard, le semple était l’ensemble des cordes (voy. ce mot) qui répondait à ce qui est aujourd’hui l’ensemble des crochets. Une corde, appelée aussi lac, représentait ainsi autant d’arcades qu’il y a de chemins (voy. ce mot) dans la largeur de l’étoffe. Un gone, appelé tireur, ou une jeune fille, tirait l’un après l’autre, suivant l’ordre du dessin, les lacs destinés à enlever ainsi les fils, tandis que le canut sigrolait sa navette.

2. Cette disposition avec le nom a été conservée pour le métier à lire les dessins, nommé accrochage, et auquel est appendu le semple. Le liseur prend les cordes du semple dans l’ordre du dessin, et il introduit par derrière une corde transversale pour que les cordes qu’il prend ne se confondent pas avec celles qu’il doit laisser. Quand l’ouvrier a lu ainsi un certain nombre de coups, il tire cette corde transversale qui amène les cordes du semple qu’il a prises. À ces cordes correspondent des emporte-pièces qui s’abaissent et qui, passés sous une presse, destinée à recevoir les cartons, percent les trous. Ce système primitif a été remplacé par une machine appelée l’Accéléré, qui fait le travail plus rapidement, mais qui est basée sur le même principe.

SENÈPI, s. f. — Graine de moutarde. — C’est l’unique mot chez nous où i soit posttonique, c’est-à-dire ne se prononce presque pas. Aussi senèpi est-il un mot patois conservé. — De sinapia pour sinapim.

SENÈPON, SÈNEPON, s. m. — Rougeole. Y a Cadet qu’est tout fatigué. Je crois ben que c’est le sènepon. Par extension, se dit quelquefois de la scarlatine. — De sinopis, couleur rouge faite avec de la terre de Sinope.

Seneçon. On donne aussi quelquefois ce nom au plantain. Évidemment corruption de seneçon, sous l’influence de senapi, moutarde (de sinapia pour sinapim). Le mot existe en patois.

SENS (san). — Sens devant dimanche, Sens devant derrière. T’as metu ta coiffe sens devant dimanche.

Y a pas de bon sens !… S’y a du bon sens ! Exclamations qui se disent lorsqu’on voit quelque chose d’absolument anormal. Les femmes qui vont maintenant en vélocipatte ! S’y a du bon sens !

Se faire du bon sens, du mauvais sens. C’est ainsi qu’on doit l’écrire, car c’est bien sens et non sang, que nous avons en vue, ainsi que l’indique la prononciation san et non sanque. — À part ça, le brave Bonhote veut qu’on dise faire du mauvais sang, et non se faire, sous prétexte qu’il n’y a pas d’exemple dans les dictionnaires ! S’y a du bon sens ! Les dictionnaires ne peuvent cependant pas tout mettre ! Mais précisément la dernière édit. de l’Acad. donne en exemple : « Se faire du bon sang. »

SENSIBLE. — Sensible comme un organsin brûlé à la teinture. Se dit d’un cœur très sensible, vu que l’organsin brûlé à la teinture tombe en bave rien qu’en le regardant.

Avoir les bôyes sensibles autant le cœur d’une fille. Se dit des personnes très sujettes à avoir le ventre dérangé.

SENTINELLE. — Nous faisons ce mot masculin : un sentinelle ; équivalent de Suisse, qui ne quitte pas le pied du mur où on l’a mis en faction.

SENTIR. — Ça sent le sapin. Se dit d’un malade dont la maladie est jugée mortelle.

Ça sent le Saint-Just, même sens. Cette expression a son origine dans ce fait qu’à la Révolution, les cimetières à l’intérieur de la ville ayant été supprimés, on enterra soit à la Guillotière, soit à Saint-Just dans un cimetière dont le terrain fait aujourd’hui partie du monastère des Sœurs de la Visitation. Les télégraphes aériens furent bâtis sur ce terrain, quand celui-ci eut été désaffecté, et pendant longtemps, en suivant le raidillon qui y conduisait, on pouvait voir encore des tombes en marbre, encastrées dans le mur de clôture. Ce fut M. Fay de Sathonay, maire de Lyon, mort en 1812, qui fit transporter le cimetière à Loyasse. L’expression s’est conservée malgré le déplacement du cimetière. — Dans les premières années du siècle, ma mère avait une sœur qui tomba malade. On envoya chercher M. X…, médecin, qui, en se retirant eut le courage de dire à ma grand’mère : Ça sent le Saint-Just. Ma grand’mère indignée le poussa dehors en refermant la porte.

Je ne peux pas le sentir. Curieuse méta-