Page:Le Littré de la Grand'Côte, éd. 1903.pdf/310

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quilles. La dérivation serait : « ramasser les quilles, ramasser en général, ramasser en mettant dans sa poche. »

Ce mot, qui existait déjà dans ma jeunesse parmi les gones, ne me paraît pas être le dérivé d’enquiller qui s’est introduit récemment à Lyon et qui a la signification d’enfiler. J’enquille la rue du Mail, j’y suis tout de suite. S’enquiller, Se cacher, se blottir pour ne pas être vu. Les Parisiens, selon leur aimable usage, ont emprunté enquiller à l’argot des voleurs, et nous l’ont repassé. Il vient de quille, comme enfiler de fil, et a vraisemblablement une origine obscène. Depuis les chemins de fer bien des mots d’argot s’introduisent chez nous. Voyez frangin, cavel. On y peut ajouter turne, mauvaise petite chambre.

RENTE. — Rente vogagère. C’est notre seule manière de dire Rente viagère.

RENTONNET. — C’était un honnète caberetier qui demeurait, au commencement du siècle, à l’issue de la voûte Saint-Bonaventure, récemment rue de Pavie. (Je l’ai dit à poussière.) En plaçant ses volets, un soir à dix heures, il aperçut le père Manivesse, qui était sorti il y avait deux heures et se trouvait encore étendu dans le ruisseau : B… d’ivrogne ! lui fit Rentonnet. Et l’autre de répondre avec une mansuétude mélancolique :

Ah ! Rentonnet, Rentonnet,
Sans les ivrognes, tu ne serais pas ce que tu es !


RENTOURNER (SE). — S’en retourner. Métathèse de en.

Se flétrir, se dessécher. Venez donc vite manger, les truffes se rentournent. L’expression est fort juste. Les pommes de terre, qui s’étaient gonflées, retournent à leur premier état.

RENTRER, v. n. — Entrer. « Je suis rentré dans la boutique à seule fin de le marchander. » (Mathevet.) Dans beaucoup de nos locutions la particule re, au lieu d’une valeur réitérative, n’a qu’une valeur purement explétive. — Comp. rajouter.

RENTRER, terme de couturière. — Rentrer une couture, La rentraire. Rentrer exprime très bien la chose, tandis que rentraire est un mot technique dont la signification ne se lit pas.

RENTURE, s. f. — Renture de bas. Opération faite aux bas entés (voy. enter). C’est enture, d’enter, avec un préfixe re, qui est ici simplement explétif.

RENUCLER, v. a. — 1. Lorgner curieusement du coin de l’œil. J’ai renuclé la Joselie que mettait ses bas. S’elle avait pas les pieds si noirs, elle les aurait bien blancs ! — Corruption de reluquer.

2. Renifler, sentir en aspirarit fortement. Renucle-moi voir ce pot de tripes, si ça pue bon ! — Origine commune avec renâcler.

RENVENIR (SE), v. pr. — S’en revenir. — Même phénomène que dans se rentourner Pour s’en rétourner.

RENVOI, s. m. — Parlant par respect, Rot ou parfois simplement rapport d’estomac. Faire des renvois, Éructer. M. Chrétien recommandait de ne jamais se gêner pour faire des renvois ; il disait que lorsqu’on se retenait, c’était, parlant par respect, comme pour les vents, que c’était mauvais pour la santé du corps ; que si l’on était en société, il valait mieux s’excuser en disant honnêtement : « Faites excuse, c’est pour la santé. » Il disait encore qu’un brave renvoi vaut un an de vie. Ce doit être exagéré, car à ce compte il y a des gens qui seraient immortels.

REPAPILLOTER, v. a. — 1. Remettre en bon état. Il a maladié longtemps, mais le velà repapilloté. Beaucoup disent rapapilloter.

2. Se requinquer, s’attifer. Quand elle est bien rapapillottée, on croirait jamais qu’elle est sur ses cinquante ans.

RÉPARÉE, s. f. — Bette. S’emploie le plus souvent avec le mot côte : Des côtes de réparée. — D’asparatum, sorte de plante potagère.

REPARER, v. a. — Le même qu’apparer. « Et de jeune bargère, en bas, n’en repariont. — Dans leurs devants tous les gigots, boudins, saucisses. » (Suzanne.) — C’est parer, avec préfixe re, qui n’a ici qu’une valeur explétive.

REPASSEUSE, s. f. — « Les lexicographes et les grammairiens, fait remarquer Breghot, s’obstinent à rejeter ce mot, « de