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ŒUVRE, s. f. — Chanvre, filasse. J’ai de l’œuvre que je ferai filer. — D’opera, la production du chanvre étant jadis considérée comme l’œuvre par excellence.

OGNE, s. m. pl. — Recevoir les ognes. C’est, lorsqu’on a perdu au jeu de gobilles, mettre sa main verticalement sur le sol, une gobille entre l’annulaire et le médius, sur laquelle tire le gagnant. Les coups que reçoit le perdant sur les phalanges, lorsque le gagnant manque — volontairement ou non — la gobille, s’appellent les ognes. — Ogne est en relation avec lo genevois ognon, tape, coup, contusion. C’est onio, ou plutôt le subst. verbal d’un verbe supposé oniare, d’où :

OGNER, v. a. — Frapper, meurtrir. Il est devenu suranné, mais je lis dans un article de la Revue des Deux Mondes, 2e série, tome XLV, page 512 : « C’était la chanson… du Moine qui ognait à la porte. »

OGNON. — Ognon de Florence. Voy. pourette.

OGNON, s. m. — Tapage, grabuge, coups. « Puisqu’on pend les Seize, — Il y a de l’oignon, » dit la Satire Ménippée (dans Jaubert). Lorsque les Autrichiens approchèrent de Lyon, en 1814, on fit une chanson politique (ce n’était guère le moment), en forme de pot pourri, que j’ai souvent entendu chanter, et où se trouvaient les vers suivants :

Aux portes de Lyon,

Y a de l’ognon, de l’ognette ;
Aux portes de Lyon,

Y a de l’ognon.

Ognon, en ce sens, est une forme de ognes (voy. ce mot).

Propre comme un ognon. En effet, rien n’est blanc et pur comme un ognon lorsqu’on vient d’en enlever la dorse.

OIE. — Ma femme est comme l’oie blanche, qui a toujours mal au bec, au c… ou à la hanche. — Il y a en effet beaucoup de femmes qui sont ainsi, et, vraisemblablement, bien plus de femmes même que d’oies blanches.

OISEAU. — Oiseau de saint Luc. Voy. adroit.

N’être ni oiseau ni rate volage. Se dit de ces sournois dont on ne sait jamais ce qu’ils pensent.

OLIVES. — Changer l’eau de ses olives (parlant par respect), Pancher de l’eau.

OMBRE. — Il craint le soleil, il se met à l’ombre des bouchons. Se dit d’un habitué de cabaret.

Ombre, s. m. — Molard écrit : « Ombre, Espèce de poisson… ; écrivez umble et prononcez omble. » Trop de zèle ! À umble, l’Acad. ajoutait déjà en 1798 : « On dit et on prononce omble et plus communément ombre. » Et dans l’édition de 1835 on lit : « On dit et on écrit communément ombre. »

OMELETTE. — Retourner l’omelette, Changer de sentiment. On dit aussi Retourner sa veste, Changer son fusil d’épaule. Personne, mieux que nos politiciens en quête de popularité, ne s’entend à retourner l’omelette. Ils en revendraient à notre cuisinière, qui était si habile pourtant que, lançant l’omelette par la cheminée, à Sainte-Foy, elle la recevait toute retournée dans sa poêle à la fenêtre. Il est juste de dire que chez nous la maison n’avait qu’un étage.

On a eu, dans le temps, la rage de la viande saignante. Cela faisait mieux ressembler aux animaux. Un jour, chez Garcin, je déjeûnais avec un camarade. — Garçon, un bifteck saïgnant ! dit un client. — Garçon, un filet saignant ! dit un deuxième. — Garçon, une côtelette saignante ! crie un troisième. — Garçon, dit gravement mon camarade, une omelette saignante !

OMNIBUSSIER, s. m. — Expression que j’ai entendu dire quelquefois pour conducteur d’omnibus.

ONGLE, s. m. — Nous le faisons féminin ; et je suis encore obligé de me dominer pour ne pas dire : J’ai les ongles longues. Le peuple a une tendance à faire féminins par analogie tous les mots terminés par un e muet.

ONNIBUS, s. m. — Omnibus. Que fais-tu là ? — Je soigne venir l’onnibus. — Exemple d’assimilation de deux consonnes voisines et de même nature.

ONZE. — Bouillon d’onze heures. Voy. Bouillon.