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JOUIR. — Ce sale gone nous fait tourner en bourrique : pas moyen d’en jouir ! Voyez chaver.

Jouir d’une mauvaise réputation, d’une mauvaise santé. C’est jouir, au sens de possession avantageuse, dérivé au sens général de possession.

JOUR. — Jour sur semaine, Jour ouvrable. Quel jour sons-nous ? — Le quatorze. — Je pourrai rendre le vingt. — Faut voir sur l’armana si c’est un jour sur semaine.

Quel jour sommes-nous du mois ? Abréviation de « À quel jour ».

Un grand jour se prépare. Ingénieux calembour pour prévenir un ami que sa culotte commence à se trouer au derrière.

Jour ou non. — Musardinet n’est pas un rossard. I se lève toujours à dix heures, jour ou non.

JOURNAL. — Lire le journal. La même chose que Lire la Gazette. Voy. ce mot.

JOURNALIER, adj. — Être journalier, Être ci ou ça, suivant les jours. En partie tous nos hommes à grand talent, nos grands poètes, sont journaliers. Un jour ça vient, un jour ça ne vient pas. Neque semper arcum tendit Apollo.

JOURNÉEIl a fait ce commerce toute la sainte journée, pour Toute la journée. — Ce n’est point un simple pléonasme, car sainte est ici singulièrement renforçant. Mais pourquoi ce qualificatif sainte plutôt que tout autre ?

Aller en journée, Aller à ses journées, Aller au dehors travailler à ses journées. Qui qu’i marie le Laurent ? disait un jour notre voisine. — Euh, fit la bourgeoise, une fille qui va à ses journées. — Ben quoi ! repartit mon bourgeois, c’est une fille honnête ; vaut mieux ça que si elle allait à ses nuits.

JOUTEUR, s. m. — Celui qui joute dans les joutes nautiques. La Société des Jouteurs était une célèbre société de mariniers fondée en 1811. Ils étaient au nombre de trente-trois. Le dernier, nommé Aubert, est mort vers 1870. La société n’a pas eu de continuateurs.

JU, pron. —— C’est je en enclitique. Dis-je devient dis-ju parce que e devient tonique par sa position. Il est alors remplacé par une voyelle plus sonore. « Vous, dis-ju, dont l’âme vigorette cherche toujou, pour pertagé et meurtiplié se n’ardeur, une drole compagnonne… » (Ressit des amours.)

JUDAS, s. m. — Petit guichet composé de lames métalliques disposées comme celles des abat-jour, à seule fin de pouvoir aguincher les galavards qui viennent sonner aux portes. Je croyais que ce mot si pittoresque était un pur provincialisme, d’autant plus que je n’ai pas remarqué de judas aux portes palières ailleurs qu’à Lyon, mais, à mon grand étonnement, je le vois au Dict. de l’Académie.

Faux comme Judas. Se dit de quelqu’un dont la franchise laisse un peu à désirer.

JUGE DE PAIX, s. m. — Le nez. À la réunion publique, il a reçu un coup de poing sur le juge de paix que lui a fait jicler le sanque comme un bœuf. C’était pour l’étude des questions sociales. — Juge de paix, calembour de mauvais goût.

JUGEMENT. — Une figure de jugement dernier. Voy. figure.

JUGISTRE, s. m. — Jésuite. C’est le premier j qui a appelé le second à se substituer à z. Comp. pour g dur, reguingote au lieu de redingote.

JUIFESSE, s. f. — Juive. Fait sur Juif, avec une terminaison par analogie avec celle des mots dont le féminin est en esse : pauvre, pauvresse ; devin, devineresse, etc. Mais la seconde partie du mot est désagréable au prononcer. Il y en a d’autres qui disent Juivesse, et la transformation de f finale en v est plus conforme aux lois phonétiques que sa conservation, mais la seconde partie du mot n’en est pas plus jolie.

JUINDRE, v. a. — 1. Rejoindre. Le Joset a juint son régiment.

2. Atteindre, toucher. À la réunion électorable, le parzident m’a lancé son grollon, que s’i m’avait juint, i me démontait la ganache !

JUINT. — De vieux juint. Voy. joint.

JUIVER, v. a. — Tromper en matière de commerce, spécialement vendre un objet très au-dessus de sa valeur. T’as une vagnote toute neuve. Ousque t’as acheté ça ? chez quèque Juif ? — Je l’ai ben achetée chez un chrétien, mais i m’a juivé tout de même.