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lorsqu’on n’est pas obligé d’endosser son panneau et de mettre une cravate blanche pour aller dans les réunions publiques ! — Vieux franç. drilles, chiffons, avec substitution de la syllabe ouilles sous une influence préjorative. Comp fripouille et drapouille, vieux vêtements.

DRU. — Dru et menu, loc. adv., qui marque l’énergie de l’action. Le Benoît a voulu me faire contre, mais je l’ai mené dru et menu. L’expression se trouve dans Scarron. — L’idée est « en gros et en détail ».

DRUGE, s. f. — 1. Pousse excessive des végétaux. C’est la druge qui empêche ce poirier de produire. Au fig. surabondance, pléthore, excès de plaisir ou de santé, ou d’autre chose. J’ai raconté le mariage d’Agnus Poupard, et comme il était caquenano. Mais il finit par se déniaiser, et fit comme les nouveaux convertis, qui se livrent à des excès de dévotion. En quelques mois, il était devenu tout ch’ti, déviandé, un hareng sauret. Sa maman le mena chez M. Chrétien, qui connut tout de suite ce qu’il avait, et dit : C’est la druge du mariage. Il demanda si Agnus avait un oncle curé. Précisément il en avait un, curé dans le Mâconnais.

« Alors, dit M. Chrétien, faut qu’il parte tout de suite ; il servira la messe tous les matins ; il boira chaque jour au moins deux grands pots de bon vin ; le matin, pur ; le soir, sans eau ; et il mangera de gros trocs d’aloyau et de couare. Puis, comme bien s’accorde, il boira le remède « que chacun porte avec soi ». Il restera là trois mois, sans broncher, et sans recevoir de visites, que celle de sa maman. »

Fait comme dit. Les trois mois parachevés, Agnus était florissant. Il te vous avait un visage, un vrai cul de pauvre. Venu le moment de rentrer, il prit la voiture de Casse-talon, pour aller à Mâcon, où il devait trouver les vapeurs. Voilà qu’en passant devers un pré, il voit un âne en train de faire sa déclaration à une ânesse. Oh, toi, que fit Agnus, si t’as pas un oncle curé, je t’en donne pas pour six mois !

Du celtique : kymri drud, vigoureux ; gaëlique druth, pétulant.

2. Fumier, engrais. — Armoricain druz, gras, en parlant de la terre ; druza, graisser, engraisser. Évidemment le même que le kymri drud.

Être dans ses druges, Être sous le coup d’une violente exitation. Se dit des chats quand ils ont leurs nerfs, qu’ils bondissent, qu’ils ne peuvent tenir en place, qu’ils soufflent, etc.

Se plaindre de druge, Se plaindre de trop de bien-être, de l’excès d’amour de sa femme, etc. En un mot, se plaindre que la mariée est trop belle.

DRUGEON, s. m. — Pousse, rejeton au pied d’un vieil arbre. — De druge ; ou de drageon, influencé par druge.

DRUGER, v. n. — 1. Pousser surabondamment. Sur son exemplaire de Molard, Chanoine a écrit en marge : « On dit en patois du Dauphiné un champ druge pour dire qu’il est fertile, abondant, riche. »

2. Bondir, sauter, s’amuser par des sauts précipités. Ces gones drugent toute la sainte journée… Qu’a don le miron à druger comme ça ?

3. Tromper, gourer, mettre dedans. Ce pauvre b… de Godivaisse s’est-i pas fait druger au Panama ?

Pour 1 et 2, de druge. Pour 3, du vieux haut allem. trugt, tromper.

DRUGEUR, EUSE, s. — Trompeur, euse. — De druger 3.

, s. m. — Avoir des dûs. Avoir des dettes. Il lui a payé son dû, Il lui a payé sa dette. — Excellente « substantification » du participe de devoir. Comp. faire son crû.

DUBELLOIRE, s. f. — Cafetière en terre dite grès, avec passoire de même nature. Origine historique. Ces cafetières ont été inventées par du Belloy ou Dubelloy, corrompu en Dubelloire, à l’aide du suffixe oire, qui s’applique aux objets moyens d’action. Comp. passoire, araignoir.

DU DEPUIS. — Depuis lors. Vous nous sons brouillés à ma noce, qu’i baisait ma femme comme du pain chaud. Nous nous sons pas revus du depuis. — C’est un archaïsme. « Votre âme, du depuis, ailleurs s’est engagée, » dit le grand Corneille.

DUR. — Dur à la détente. Se dit d’un homme qu’il faut instamment solliciter pour lui faire desserrer sa filoche. Il est bon enfant, mais dur à la détente. L’avare est comparé à une arme à feu dont il faut presser fortement la détente pour la faire partir. On dit encore : Il a un vipère dans la poche. (P. B.)