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d’Amour : « Mais à Dieu te command’, ie vois deuant dire que tu viens tout à loisir. »

ADROIT. — Adroit comme l’oiseau de saint Luc. Se dit de quelqu’un qui n’est pas d’une adresse extraordinaire, l’oiseau de saint Luc ressemblant fort à un bœuf. — Adroit comme un singe de sa queue, même sens. On dit en commun proverbe, adroit comme un singe ; le Lyonnais ajoute en raillant : de sa queue.

AFFAIRES. — En franç. Dieu seul sait ce que ce mot a de sens, mais tous abstraits. Le Lyonnais l’a étendu aux choses matérielles. Affaires s’entend ainsi de tous objets, surtout des menus. J’avais là mon dé, mes ciseaux, tu déranges toujours toutes mes affaires !… Se dit particulièrement des vêtements. T’esses bien si faraud ce matin ? — Oh, c’est le dimanche des Bugnes ; i fallait bien mettre ses beaux affaires ! Pourquoi, dans le sens de vêtements, ce mot est-il masculin, et féminin dans les autres, on se le demande. Remarquer que le xvie siècle siècle l’employait en général au masculin. « Mettans en auant ce qu’ils auoient vu exploiter en tels affaires », dit Eutrapel. Et Cotgrave : « Affaire, masc. » Et il cite pour ex. « Qui veut entretenir ami, n’ait nuls affaires avec lui. »

Affaire s’applique un peu à tout. En Auvergne, j’ai entendu d’innocentes jeunes filles chanter et danser ce branle sur l’air de notre chanson lyonnaise, Ma móre n’ayet qu’ina dint :

Ma maïré
M’avié toudzou dit
Que mon affaïré
Patafinarié !

« Ma mère — m’avait toujours dit — que mon capital — se chiffonnerait. » (Traduction de M. Alex. Dumas fils).

Les affaires avant tout. Proverbe d’un usage constant chez les Lyonnais. Dans ma jeunesse M. X…, riche fabricant de la rue Royale, avait un objet adoré qui logeait place des Terreaux. En ce temps-là, tous les magasins se fermaient à 2 heures pour rouvrir à 4. Or, un jour, juste à l’instant le plus pathétique d’une brûlante déclaration, M. X… entend sonner quatre heures à l’Hôtel de Ville. « Quatre heures ! les affaires avant tout », dit-il en se rajustant précipitamment. Il ne le raconta point, mais si bien la bonne âme.

AFFANER, v. n. — Travailler de peine. « Faut pas que les vieux épousent de colombes, ça les fait trop affaner. » (Guignol.) Affaner son pain. Le gagner avec peine. — Du franç. ahaner.

AFFANEUR, s. m. — Gagne-deniers, crocheteur. Les affaneurs formaient autrefois à Lyon une corporation, comme la corporation des crocheteurs, qui jouit encore de certains privilèges. — Arch. mun. 1512 : « Payé à plusieurs charretiers et affaneurs qui ont amené la nouvelle artillerie… » — 1509 : « Au Ros de Buissandre, affaneur, pour faire un terreilz (fossé). » 1380–88 : « Johan de Groulée, affanour, 1 gros. » Inusité aujourd’hui, et remplacé par crocheteur.

AFFERMER. — Affermer la seconde récolte des prunes. Vivre de mendicité et de maraudage.

AFFILÉE. — Faire une chose d’affilée. La faire attenant, de continu. Chez mon oncle de Mornant, le jour de la vogue, on dinait et l’on soupait d’affilée, vu qu’on n’avait pas le temps de finir un repas avant de commencer l’autre.

AFFLIGÉ, s. m. — Un estropié. Donner un sou à un affligé.

AFFRANCHIR, v. a. — 1. Faire subir à de certains objets neufs une préparation avant de s’en servir. — Affranchir de l’huile pour la friture. Aspergez d’eau l’huile bouillante. Bruit épouvantable ! L’huile jicle, ponctue les murailles, le carrelage. On est suffoqué. Mais aussi votre merluche n’aura pas le goût de vieux joint.

Affranchir une marmite. Mettez-la dans un four de boulanger, et, quand elle est rouge, à l’aide de pinces, frottez l’intérieur avec une couenne. Cela fait que votre soupe n’aura pas le goût de vieille hallebarde.

Affranchir une poêle. Remplissez d’huile, faites bouillir ; laissez refroidir, et recommencez jusqu’à ce que l’huile ait bien enlevé la crasse du fer. Par ainsi, vos matefaims n’arraperont pas.

Affranchir une bareille. Faites bouillir de la feuille de pêcher, jetez, gassez, rincez, videz, méchez. Votre vin n’aura pas le goût de moisi.

Affranchir une lettre. Collez-y un timbre.

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