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lorsqu’on veut qu’ils soient en plein air, et qu’ils ne vaguent pas. — Peut-être d’un radical celtique qu’on trouve dans tous les dialectes avec la signification de chose qui recouvre, sous les formes cren, crwn, cron, cruin.

CRÊPER. Voy. sous crêmer.

CRESSURES, s. f. pl. — Douleurs dans les membres qu’éprouvent les enfants et que le populaire attribue à la croissance des os. — Fait sur cressu, participe du vieux lyonn. creitre, croître.

CREST (crè), s. m. — Sommet d’une montagne. — De crista, crête.

CREUX, s. m. — Voix. « Comme elle chantait à vêpres et à complies ! Elle vous avait un creux ! i fallait voir ce creux ! » (Oraison funéraire.) — Pour nous la voix ne sort pas du larynx, mais du creux de la poitrine. C’est d’ailleurs bien plus naturel.

CRÈVE, s. f. — Avoir la crève, Avoir une maladie dont on croit mourir. — Subst. verbal de crever.

CRÈVE-FAIM, s. m. — Terme méprisant pour un homme incapable de travailler et qui ne sait que croupir dans la misère. — Contraction de crève-de-faim.

CREVOGNÉ, ÉE, adj. — Fatigué, abattu. Le Docteur : Madame la duchesse, que se sent-elle ? — Ah, docteur, je suis toute crevognée ce matin. — Dormez-vous ? — Oui. — Digérez-vous ? — Oui. — Allez-vous bien à la selle ? — Oui. — Allons, allons, tranquillisez-vous, nous allons vous faire passer tout cela.

CRIER. — Crier quelqu’un. En partie toutes les femmes crient leurs maris du matin au soir, c’est-à-dire les grondent, les bourrent, les scient, les sèchent, les tourmentent, les agacent, les énervent, les tamponnent, les horripilent, etc., etc. Les domestiques non plus n’aiment pas qu’on les crie sans cesse, mais eux ils peuvent s’en aller.

CRIMER, v. a. et n. — Se dit des objets qui brûlent sans flamme. Le lait a crimé au fond du pot… J’ai crimé ma robe au poêle. — Probablement corruption de rimer, même sens, sous l’influence de cremare, patois crémé.

CRINSER, v. a. et n. — Se dit des objets qui brûlent sans flamme et en se crispant. La femme, en entrant : Comme i sent la corne brûlée !Le mari : C’est moi qui m’ai crinsé les cheveux. On dira encore : Fais don attention ! te vas crinser tes bamboches en te chauffant les clapotons ! — Vieux français crincier, crainser, se crisper ; de crin, comme crincier, tamiser. Le mot est assez répandu pour que je lise dans le Salut Public du 15 février 1874 : « Jusqu’à ces derniers froids l’extrémité seule de leurs rameaux (des eucalyptus) avait été crainsie. » — Quelques-uns disent grincer.

CRIQUE, s. f. — Usité seulement dans cette locution : Que la crique me croque ! manière de dire : « Que le diable m’emporte ! » mais plus convenable. Mame Potachier, une femme vartueuse ! elle a de la vartu comme vous et moi ! Si son mari entre en paradis sans se baisser, je veux bien que la crique me croque ! C’est ce que Mme Catinet, notre voisine, disait un jour à mon bargeois. Le bargeois, lui, avait une façon encore plus honnête de jurer. « Si c’est pas vrai, disait-il souvent, je veux bien que la carcasse d’un poulet m’entre dans le ventre ! » — Sur le point de savoir ce que c’est que la crique, adressez-vous à ceux qui ont fait leurs classes.

CRISSIN, s. m. — Pain au lait, extrêmement long et mince, très craquant, importé d’Italie : génois grissin. Mais j’ignore l’origine de ce dernier.

CRISTAUX, s. m. sing. — Cristaux de soude qu’on fait dissoudre pour blanchir le linge. La maîtresse de maison : Glaudia, pourquoi-t’est-ce que ce linge est si mal lavé ?La bonne : Madame, c’est des cochonneries, que ça ne partira qu’avec du cristaux.La dame : Oui, mais faites votre cristaux pas trop fort, pour ne pas manger le linge.

CRISTELLES, s. f. pl. — Terme de canuserie. — Cordelettes serrées sur le lisseron et auxquelles les mailles composant une lisse sont arrêtées, pour maintenir l’écartement des mailles entre elles dans la largeur voulue. Je. suppose qu’en italien l’objet doit s’appeler crestella. Sinon, on a dû former le mot par analogie avec l’italien crestella (de crista), bordure du peigne, laquelle recouvre le plomb de la soudure des dents.