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autres noms, ceux des saints Magloire, Samson et Leutherne mais il n’y est point question de saint Gurthiern.

Après nous être renseigné avec soin nous avons acquis la conviction que M. de la Villemarqué a lu Sancti Gurthierni là où il y avait Sancti Leutherni. La similitude des désinences et l’éloignement de la châsse placée au sommet d’un pilier du chœur, expliquent fort bien cette erreur. »


LA VIE DE SAINT JOSSE OU JUDOC,


Prince de Bretagne, Hermite et Confesseur, le 13. de Decembre.



Saint Josse, second fils de Juhaël, Roy de la Basse Bretagne, & de la Reyne Pritella, puisné de Judicaël & aisné de saint Winoc, fut, avec ses frères, si soigneusement élevé dés sa jeunesse[1], que, lorsque l’âge l’eut rendu capable de succeder aux grands Estats de son Pere, il renonça au monde & se consacra au service de {sc|Jesus-Christ}}. Car à Juhaël decedé, succéda son fils aisné saint Judicaël, ou Gicquel, lequel ayant regné peu d’années, au retour de son voyage de Clichi-la-Garane, où il avoit conferé avec saints Oën & Eloy, il résolut de convoquer ses Estats, &, en leur présence, se démettre du gouvernement du royaume en la personne de son frère le prince Josse, & se faire Religieux au fameux Monastere de saint Méen de Gaël. Il communiqua son dessein à nostre S. Josse, qui fit semblant d’en estre bien aise, & demanda du temps pour se préparer à recevoir ces honneurs[2], lequel il employa en ferventes prieres, suppliant la divine Bonté de luy manifester sa volonté, & en quel estat il le pourroit mieux servir ; &, comme il perseveroit en son Oraison, il fut inspiré de quitter la cour & s’en aller en compagnie de douze Pelerins, puis passer là où il plairoit à Dieu le conduire[3].

II. Il se fit faire secrètement un habit de grosse bure, lequel ayant vêtu, il sortit ainsy déguisé, quittant la cour, son bien & ses parens &, se joignant à ces Pèlerins, les accompagna jusqu’au Comté de Ponthieu, en Picardie, où ayant esté reconnu par Aymon, vicomte de Ponches, il en fut fort bien receu & traité, & toute sa compagnie pour son respect &, ayant pris congé de ses compagnons de chemin, il demeura avec le vicomte & luy tint un enfant sur les saints Fonds de Baptesme, qu’il nomma Ursin, en mémoire de saint Ursin, Archevesque de Bourges mais, se souvenant de son premier dessein, qui avoit été de quitter tout à fait le monde, il obtint dudit vicomte un lieu écarté & solitaire, nommé la Croix, prés l’étang d’Athieu, non loin du rivage de la mer, laquelle, en ce temps-là, donnoit jusques dans les fossez du vieil chasteau de Ponches avant que les digues & levées de Zélande en eussent reculé le flux. En ce lieu, saint Josse dressa un petit Oratoire & deux chambrettes auprès, où luy & un sien clerc, nommé Warnier (qui seul de ses domestiques l’avoit suivy) passoient les jours en

  1. À l’abbaye de Lan-Maelmon, fondée par saint Maëlmon, évêque d’Aleth au VIIe siècle. M. Guillotin de Corson dit que, d’après une opinion reçue, cette communauté aurait donné naissance à l’église paroissiale de Saint-Malmon. A.-M. T.
  2. Il ne prit pour cela que huit jours. A.-M. T.
  3. Voir sur ce point les annotations à la Vie de saint Judicaël (16 décembre).