EN L’HISTOIRE ADMIRABLE DE SAINT BUDOC,
ARCHEVESQUE DE DOL,
ET DE LA PRINCESSE AZENOR DE LEON SA MERE,
COMTESSE DE TREGUER ET DE GOELO
ne des Illustres Maisons de la Bretagne Armorique, dont l’antiquité se
remarque dans l’Histoire, c’est, sans contredit, celle des Anciens Comtes de
Goëlo & Tréguer ; si puissante en l’année 493, que le Roy Hoël premier de
ce Nom, ayant la conduite d’une partie de l’Armée du Grand Roy Artur, son Oncle, en la mémorable Bataille de Langres, de tous les Princes de son Armée, choisit
Chunaire, Comte de Tréguer & Goëlo, pour assaillir le Battaillon du Senateur Lucius Iber, Lieutenant de l’Empire Romain [1], dans lequel l’ardeur de son courage le porta si
avant, qu’après avoir fait merveilles d’armes & jonché le champ de corps de Romains,
il se trouva envelopé & accablé de toute l’armée, qui estoit accouruë au secours de son
général, où deux mille Bretons de sa compagnie furent taillez en pièces, sans pouvoir
estre secourus de leur gros, & nostre généreux Comte, s’opiniastrant au combat, accosté
des Seigneurs Jagus Richomarch & Bodloï (qui combattoient à ses flancs), fut tué d’un
coup d’espieu, le visage tourné sur l’ennemy, mourant au lit d’honneur, au regret
extrême des Roys et de toute l’Armée, qui se sentit notablement affoiblie de la perte
d’un si généreux capitaine & de si vaillans soldats [2].
- ↑ Pierre Le Bault, en son Histoire de Bretagne, chap. 9, après Galfridus Monimetensis (c’est Geofroy de Monmouth) dit que le Roy Artur vainquit en trois batailles Lucius Ither, procureur de l’empire Romain ; en la troisiesme desquelles, qui fut livrée prés de Langres, il disposa ses gens en quatre tourbes, dont il commit l’une à Hoel, roy de Bretagne, et à Gauvin, son neveu, etc. Et là mourut le comte de Tréguer, avec deux mille Bretons. — A.
- ↑ Maistre Gasce, qui escrivit son histoire l’an 1155, (dont l’autographe manuscrit sur parchemin me fut communiqué
l’an passé 1639), specifie les particularités de cette bataille. Nous mettrons icy, en ses propres mots, ce qui
fait nostre preuve :
Chunaire, qui ert Quens de Trigvel,
Ert en la compaignie Hoël.
Moult estet de grand vasseleige
De Romeins faiset grand domeige ;
Mais ung Romein, o ung espier,
Ly feist tot freid mort tresbuchier ;
0 ly ot mort dous mil Bretons,
Entreux trois nobles compaignons ;
L’un de ces trois ot nom Jacu,
Ly second fut Richomarchu,
Et ly tiers Bodloiu,
Et nos mie en l’eschiele siz
De lor valor, ny de lor priz.
Si Comtes fussent-ils, ou Rois
À tout temps mais, si com je crois,
Fut parole de lor proésse ;
Moult ils estet de grand aspresse.
Et essarts faiset des Romeins
Nul ne venet entre lor meins,
Qui ne ot sa vie finée,
Soit o lance, soit o espiée ;
À l’eschiele a l’emperor
Sembastirent devant l’estor,
Et cil de Rome les sousprisdret,
Tous trois ensemble les occisdret,
D’ire et de rage furent pleins
Hoël et son cousin Gauveins. — A.
M. de Kerdanet ajoute à cette note : — Le P. Albert se trompe en plaçant maître Gasce a l’an 1155 car messire
Gascos Brulez vivait en Bretagne dans le milieu du XIIIe siècle. C’était un preux chevalier, un poète aimable et l’un
des meilleurs amis de notre duc Pierre do Dreux, dit Mauclere dans le monde et Quens Breton sur le Parnasse.
Gasces en parle ainsi dans ses vers
<poem>Molt en Bretaigne m’a loié
Ly Cuens que jay tosjors amé.Ils firent ensemble « les plus belles chansons, les plus delitables, tes plus douces qui oncques aient esté oyées. »