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entrans de furie dans l’Eglise, mirent tout au fil de l’épée & tuerent ce saint Prélat à l’Autel, luy ayans transpercé le corps d’un coup de lance. L’ennemy s’estant retiré, ceux qui s’estoient sauvez du massacre recueillirent le saint Corps, l’ensevelirent en son Eglise, &, depuis, ses Ossemens furent levez de terre & mis en une Chasse d’argent. Dieu a manifesté la gloire de ce saint Prélat par une infinité de miracles, qui se sont faits, tant à son Sepulchre, qu’és lieux où il a demeuré és deux Bretagnes, lesquelles furent, depuis, honorées de quelque portion de ses Reliques qu’un Religieux de son Monastere de Land-Carvanan y apporta, nonobstant les précautions que les Beneventins y pûrent apporter, lesquels, craignans d’estre privez de ce precieux thresor, ne permettoient l’entrée de son Eglise à aucun Breton.

Cette Vie a esté par nous recueillie du Proprium Sanctorum du Diocese de Vennes, qui en fait Office le vingt et unième septembre ; Nicolas Harpifeldius, Archidiacre de Cantorberi, en son Histoire Ecclesiastique d’Anglelerre, imprimée à Doüay, l’an mil six cens vingt et deux, és Chapitres vingt-cinq et vingt-sept ; les anciens Legendaires manuscrits de l’Abbaye de Sainte Croix de Kemperlé, les Memoires manuscrits du Pere da Pas, et des Sieurs de la Coudraye Pere et Fils, Seneschaux de Hennebont et Alloüez de la Ville de Vennes.

ANNOTATIONS.


SAINT CADO EN ARMORIQUE & EN ITALIE (A.-M. T.).


Pendant que saint Gildas habitait l’austère et pittoresque ermitage appelé dans son histoire « l’oratoire de la Roche sur Blavet » il vit arriver et s’installer à huit lieues de lui un saint des plus connus de la Grande-Bretagne, l’un de ses collaborateurs les plus assidus dans ses grandes missions d’Irlande, l’ami dont le monastère avait été, dans l’ile de Bretagne, son asile ordinaire et le principal siège de son enseignement. C’est en effet à Lancarvan ou Nant-Garban, où son ami était alors abbé, qu’il avait écrit la première partie de son livre De Excidio Britaniæ (la ruine de la Betagne).

Cet ami, c’était saint Cado, une des figures les plus originales de l’église britannique au VIe siècle. La Vie la plus ancienne qu’on ait de lui, écrite cinq siècles plus tard, est si défigurée qu’à peine y peut-on reconnaitre les grandes lignes de son rôle et de sa physionomie. L’un de ses traits caractéristiques, ce sont ses nombreux voyages ; il parcourt tous les coins de l’ile de Bretagne et de l’Irlande, visite la Gaule, l’Italie et Rome, même (à en croire sa légende) la Grèce et Jérusalem. Il devait bien une visite en Armorique à son ami Gildas, qui en Grande-Bretagne lui avait fait présent d’un texte des Evangiles écrit de sa main et d’une belle cloche doux-sonnante, fondue de sa main également, car Gildas était très bon et très expert ouvrier en l’art métallique[1].

Ce fut au retour d’un de ses voyages d’Italie qu’il vint aborder dans son ilot du Morbihan ; il débarqua avec ses disciples et dit :

— Avec l’aide de Dieu et sous votre bon plaisir, mes frères, c’est ici que je veux demeurer.

— Maître, tout ce qui vous plaira nous agrée.

Et promptement ils installèrent là un petit monastère. Ce qui rendit cette fondation notable, ce fut l’église, élégante construction de pierre et surtout le pont, aussi en pierre, par lequel Cado unit l’ile à la terre ferme[2].

  1. Voyez sur cette cloche et sur les œuvres de Virgile chères à saint Cado, au charmant récit dans « La légende celtique et la poesie des Cloitres en Irlande, en Cambrie et en Bretagne, » par le Vicomte Hersart de la Villemarqué, p. 201-204.
  2. Ce qui précède est de M. de la Borderie ; ce qui suit est un résumé d’une étude de dom Plaine (Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, tome XXVII, 1900, p. 106-132).