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LA VIE DE SAINT PAUL,

Evesque et Patron de Leon, le 12 Mars.


Saint Paul, surnommé Aurelian, nâquit en l’Isle de Bretagne, jadis nommée Albion & à present Angleterre. Son Pere s’apelloit Porphius Aurelianus, Gentil-homme riche & moyenné, de la Province de Penohen, qui en Breton, signifie teste de Bœuf[1]. Il nâquit l’an de grâce 492[2], seant à Rome le Pape S. Gelase I du nom ; le 14.e an de l’Empereur Zénon ; regnant en Bretagne Insulaire, Constantin ; en l’Armorique Hoël II du nom, dit le Faineant, & en France Clovis Ier, premier Roy Chrétien des François. Ayant passé les années de son enfance chez ses Parens, donnant, en ce bas âge, des signes évidens de sa future Sainteté, il fut envoyé aux écolles, où il fit un notable progrés en peu de temps, non à l’étude des lettres seulement, mais encore plus à la vertu ; car il s’enflamma tellement en l’Amour de Dieu & de la perfection, qu’il se resolut de quitter le monde & se retirer en quelque Monastere pour y servir Dieu tout le temps de sa vie. Son Pere, s’estant apperçu de son dessein, le retira des écolles & le voulut envoyer aux Academies & exercices militaires ; mais l’enfant n’y voulut entendre, & enfin sa perseverance l’emporta ; car son pere, le voyant si ferme en sa résolution, craignant de s’opposer à la volonté de Dieu, le laissa faire &, à sa requeste, le mist en pension au Monastere de Saint Hydultus, ou Helcules, Disciple de S. Germain d’Auxerre, personnage de grand sçavoir & signalé en Sainteté[3].

II. En cette écolle, il eut pour condisciples trois jeunes hommes, qui depuis furent grands personnages, Daniël surnommé Aquarius, ou Boy-l’eau, à cause qu’il s’abstint de vin ; Samson, depuis Archevesque d’Eborac en l’Isle[4], &, depuis, de Dol en Bretagne Armorique, & Gildas, surnommé le Sage, depuis Abbé de Rhuys an Vennetois. Il demeura en ce Monastere jusques à l’âge de quinze ans, y fit son cours en Philosophie & Theologie, observant ponctuellement la Regle, bien qu’il ne portast encore l’habit Monastique. La Classe où S. Hydultus faisoit ses leçons estoit si proche du rivage de la Mer, qu’aux hautes marées l’eau y entroit, qui contraignoit le Maistre & les Disciples de luy ceder ; ce que voyant saint Paul & ses condisciples, prierent leur Maistre qu’il fit en sorte, par ses Oraisons, que Dieu les délivrast de l’importunité de cet Element. Saint Hydultus les mena à l’Eglise, & tous ensemble, ayans fait Oraison, marcherent contre la Mer (le saint Abbé tenant un bâton en sa main) laquelle, comme si elle eust redouté le coup, à mesure qu’ils avançoient, s’enfuyoit devant eux, jusqu’à ce qu’ayant laissé à sec une grande campagne, le S. Abbé luy deffendit, de la part de son Createur, de s’épandre plus avant, crainte d’infecter le lieu destiné pour l’instruction de ces saints Enfans ; ce que la Mer a depuis inviolablement observé.

III. En cette campagne que la Mer avoit laissée à sec, l’Abbé S. Hydultus sema du bled, lequel estant parvenu à maturité, il fallut le faire garder, à cause que les oyseaux

  1. M. de la Borderie précise bien où se trouve ce lieu : « en Cambrie, dans cette sorte de péninsule du Clamorgan formant la partie méridionale de ce comté, compris entre la rivière du Taf (vers Cardiff) et celle de Neath, péninsule où existait une ville romaine appelée Bovium (aujourd’hui Boverton). » — A.-M. T.
  2. En 480 d’après M. de la Borderie.
  3. Le même historien dit que le monastère de saint Iltud était « au bord du bras de mer qui sert d’embouchure à la Saverne, juste à la pointe Sud-Ouest du Glamorgan. » A.-M. T.
  4. Eborac c’est la ville métropolitaine d’York, mais quand nous en viendrons à la vie de saint Samson nous verrons que ce saint n’occupa point de siège épiscopal en Grande-Bretagne.