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S’il est vrai que les choses se passèrent de la sorte – et le verdict de la cour d’assises ne laisse pas d’infirmer légalement cette supposition, – il faut reconnaître qu’aucune heure et aucun lieu n’étaient mieux choisis pour l’exécution d’un tel dessein que cette sinistre nuitée du 1er au 2 septembre 1882, durant laquelle la pluie et le vent firent rage jusqu’à une heure du matin, comme s’ils avaient été de connivence avec les assassins, et cette aire abandonnée du convenant Guyader, l’un des plus déshérités qu’il m’ait été donné de voir et dont toute la physionomie, si je puis dire, sue l’hostilité, le guet-apens et le crime. On y accède par un petit chemin cahoteux, sans lumière, qui rampe comme un voleur entre des talus de quinze pieds tout barbelés de chênes nains et d’ajoncs. Nulle échappée sur les grands horizons vaporeux qu’on découvrait naguère du haut de la montée d’Hengoat. C’est comme une plongée brusque dans le mystère. Et l’oppression ne diminue pas, elle augmenterait plutôt, quand, à la croisée du chemin et d’une autre petite route de traverse qui mène à Ploezal, on se trouve devant la cour du convenant, un carré assez large bordé sur deux de ses côtés par un muretin en pierres sèches, à droite par les bâtiments d’habitation, au fond par les communs, et dont un puits, avec son auge et son tourniquet, occupe le coin à gauche.

Les lieux, m’assure-t-on, sont restés dans le même état qu’à l’époque du crime : on a seulement remplacé par des tuiles la toiture de glui du bâtiment principal ; elles ne suffisent point à l’égayer. Peut-être apportais-