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bloc à saint Yves-de-Vérité le maire, l’adjoint et les dix-neuf conseillers municipaux de la commune. Le saint, sans doute, recula devant la perspective d’un tel massacre, car aucun des édiles ne trépassa dans l’année.

Mais il n’est que d’interroger les gens de Trédarzec ou, de préférence, les riverains de Porz-Bihen.

— L’ossuaire a disparu, me disait l’un d’eux, le maçon Laz-Bleiz, et l’herbe pousse sur son emplacement, mais la mémoire des Bretons est tenace. Depuis trente ans que j’habite ici, il ne s’est guère passé de saison où je n’aie vu s’en venir, au brun de nuit, par le sentier de la falaise, quelque ombre silencieuse qui se glissait sous les ormes, plantait une chandelle dans le sol, l’allumait, s’agenouillait et priait face au mur où s’adossait autrefois la statue du saint. Si j’avais gardé le moindre doute sur le caractère de la cérémonie qui s’accomplissait de l’autre côté du talus, le bruit des clous et de la pièce de monnaie que la pèlerine jetait à terre après avoir allumé la chandelle eût suffi à m’édifier. Le saint s’en est allé, mais son esprit est toujours là…

Voilà ce qu’aurait dû se dire Catherine Le Corre. Mais, désemparée sans doute par l’enlèvement de la statue, elle ne réfléchit pas plus avant et s’en retourna le soir même à Hengoat. Toute courbée sous le poids de son vœu, dont elle n’avait pu se décharger, elle se présenta dans la nuit à Marguerite G… qui l’accueillit par un silence farouche. Yves-Marie n’était pas moins abattu que sa femme. Il s’arrachait les cheveux de désespoir. Et la colère l’emportant :