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qu’on s’y prodigue en courbettes et en compliments, comme dans nos salons. On se congratule aussi à Plougastel, mais on y tient surtout à se montrer sous un jour avantageux en étalant aux yeux des visiteurs son plus beau linge, sa plus riche vaisselle, ses bassines les plus reluisantes. Tout le mobilier y passe et cette gweladen, comme on l’appelle, est une véritable inspection domiciliaire : les visiteurs, s’ils sont gens bien éduqués, doivent s’extasier devant l’ampleur et le poli des armoires et des coffres de l’étage, des vaisseliers et des lits-clos du rez-de-chaussée rangés d’affilée le long du mur, à la suite du patafourn. Après la cuisine, c’est le tour du grenier, de la grange, des étables, des écuries, du cellier et des terres. Il n’y faut pas moins d’une après-midi. On s’y entraîne, il est vrai, par une solide réfection indépendante du fricot dimizi ou festin des fiançailles qui précède la gweladen et auquel prennent part seulement les membres les plus proches des deux familles (une vingtaine), sans oublier notre bazvalan.

Le mot dimizi, qui est presque partout aujourd’hui synonyme d’eureuji, a, en effet, gardé là-bas son sens primitif d’accordailles ou fiançailles, attesté dans le vieux proverbe : Nep a ra tri dimizi heb eureuji… (celui qui s’est fiancé trois fois sans se marier, etc.). Tout mariage, à Plougastel, comporte d’ailleurs trois repas, trois festins plutôt, dont un en partie double : le fricot dimizi, dont nous venons de parler ; l’eured, ou festin de noces ; le bragaden ou festin de retour de noces. Et, bien entendu, deux au moins des trois ( un et demi serait plus juste) ont lieu chez le cabaretier qui a fait office de bazvalan. Il arrive même, si ce cabaretier est aussi celui de la famille de la fiancée, que les trois festins se don-