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tends les Plougastélois du bourg, qui vivent à deux pas du calvaire et qui l’ont journellement sous les yeux, sont convaincus de l’existence des binious. Ce fut une protestation unanime dans la maison d’un de nos hôtes, M. Maléjac, quand j’en contestai la réalité. « Par exemple ! Nous allons vous les montrer ! » Hélas ! on ne me montra rien, pour la bonne raison qu’il n’y avait rien à montrer, et je ne vis jamais de gens plus ébahis que nos hôtes. L’accoutumance est décidément une grande maîtresse d’illusions et trop voir une chose équivaut souvent à ne l’avoir jamais vue. N’est-ce pas les Goncourt qui disaient : « Demandez à dix personnes quelle est la couleur du papier de leur chambre à coucher : il y en a neuf qui ne pourront vous répondre avec certitude… »

Mais d’où a pu naître cette légende des joueurs de biniou accompagnant Jésus-Christ dans son entrée à Jérusalem ? Ni Souvestre, ni Fol de Courcy, ni Le Méder (l’auteur de la Galerie armoricaine), qui ont fait mention les premiers des « binious » de Plougastel, n’avaient les yeux dans leurs poches : ils parlaient généralement en connaissance de cause, si bien que j’en arrive à me demander si l’une des statuettes du calvaire, celle du joueur de « bigniou » précisément, n’aurait pas disparu. Remarquez que le calvaire a été restauré, que les statuettes, qui étaient mobiles, n’ont été qu’assez tard fixées à l’entablement. En outre, Pol de Courcy dit que « le nombre de ces statuettes dépasse deux cents ». Or, M. Ouizille, qui les a recensées, n’en trouve que 174. Je suis arrivé, personnellement, à un chiffre un peu plus élevé : 181, Mais j’y ai fait entrer les personnages de la croix centrale et des deux croix latérales, ainsi que les anges perchés aux deux