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dans le silence — l’éternel silence peut-être, qui ne devait pas les changer beaucoup de celui qu’ils observaient volontairement dans la vie[1].

Les grands espaces, les couverts profonds, les hautes altitudes donnent à l’homme qui vit dans leur intimité quotidienne une gravité qui manquera toujours au citadin : il est dans la Nature comme dans un temple. L’un des plus subtils observateurs du front, le romancier espagnol Gomès Carillo, visitant un secteur de l’Artois, près de Thiepval, était frappé du silence presque solennel qui y régnait.

— Qu’ont donc vos soldats ? demandait-il au commandant qui l’accompagnait. Ils n’ont pas l’air de nous voir, et, quand nous leur adressons la parole,

  1. « Vous le croyez mort ainsi que la plupart de ses hommes ? m’écrivait, le 18 août, Mme Pérès. Non, Dieu n’a pas voulu m’imposer un si dur sacrifice. Il m’a gardé le père de mes quatre jeunes enfants. Il a laissé à la France un ardent patriote et un brave soldat. Il en est de même de son ordonnance. Mon mari est interné à Rastadt, duché de Bade, et Le Goff à Wesel. Si je vous écris aujourd’hui, monsieur, c’est pour faire plaisir à mon mari qui voudrait que la Presse relatât l’héroïque conduite de ses hommes, ces braves Bretons ! Voici ce qu’il me dit :

    « Entre 6 et 8 heures du matin, le 27 mai, à droite et à gauche, six régiments, dont quatre actifs, venaient d’être capturés ou anéantis par l’ennemi. Les deux unités du 219e d’infanterie qui était en ligne (pour ne pas dire le régiment entier) seules ont résisté jusqu’au bout (13 h. 57) et n’ont cessé le combat que les dernières. Elles ont ainsi empêché une forte unité ennemie de rejoindre les autres. Le colonel du 219e ayant disparu, j’avais pris le commandement du régiment. Je ne veux pas laisser dans l’oubli les épisodes de la défense de deux bataillons (5e et 6e) du 219e régiment d’infanterie et d’un régiment actif de Fontenay-le-Comte. »

    Les deux unités du 219e dont il est question dans cette lettre sont les 5e et 6e bataillons, commandants Pérès et Muller ; le colonel du 219e porté disparu était le lieutenant-colonel Le Gallois, qui fut tué. Outre la dépêche qu’on a lue et dont le texte, cité de mémoire par M. Clemenceau, eut les honneurs de la séance parlementaire du