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qu’il reçut de la mer bretonne, de son équilibre, de son rythme, de tout ce qu’il sentait d’organisé jusque dans les frénésies[1] ; elle souleva pour lui un pan du voile qui recouvre la figure de Cybèle, et il réalisa par elle, portion du grand Tout, sang des artères du monde, l’idée du grand être universel. Sur ce panthéisme de Guérin, rançon de sa conversion à l’ordre classique, il est loisible, recommandable même, d’élever les plus expresses réserves. Mais quel démenti à l’observation de Marie Lenéru écrivant dans son Journal que « l’absence de végétaux et le trop grand jour de la mer donnent de la sécheresse intérieure » ! On ne s’en douterait pas à lire le Centaure et la Bachante. On ne s’en douterait pas à lire Marie Lenéru elle-même qui aimait tant son Trez-hir, surtout à l’automne — cet automne de la mer qui n’est pas rouge, mais blanc, comme si la lumière y arrivait tout aiguisée des pôles :

« Les promenades sur la plage, à huit heures, c’est exquis, bleu, rayonnant, les côtes à belles arêtes vives et tout autour des nuages d’horizon, les nuages en rangs de perles qui sont éternellement les nuages de beau temps sur la mer… J’aime cette promenade du matin sur l’énorme plage déserte, sur le sable dur et brun comme un tapis de caoutchouc, avec l’arrivée majestueuse des grandes vagues roulées comme des tuyaux d’orgue, intactes sur un front de vingt mètres, la retombée étincelante, puis neigeuse, la grande salutation des lames ».

Est-ce assez beau ! Et ceci encore sur un lendemain de tempête :

« La mer, hier, était défigurée. Elle crachait de l’écume par toute cette énorme mâchoire qui vient

  1. Voir plus haut : Au Val de l’Arguenon.