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mos ait soin de préciser que, sur la terre de promission qui remplacera cette vallée de larmes, « il n’y aura plus de mer ».

Je ne m’en consolerai pas quant à moi. Et j’entends bien que les romantiques, avec qui la mer est rentrée en grâce, s’ils admirent et s’ils aiment la mer en qui ils se retrouvent et qui flatte leur incommensurable vanité, la voient cependant sous des couleurs assez sombres. Ce n’est plus la mer au sourire innombrable du vieux rhapsode, la mer hellénique dont se souviendra André Chénier. Et l’on peut estimer aussi, pour ne pas donner tout à fait tort à Marie Lenéru, que Pascal prenait dans la contemplation des espaces célestes une idée de l’infini beaucoup plus exacte qu’un Chateaubriand au spectacle des flots bretons. Mais Chateaubriand est un Celte, et le romantisme, considéré d’un certain angle, n’est qu’un retour à la tradition celtique sinon la plus ancienne, du moins la mieux établie.

Car il est possible que les Celtes n’aient pas toujours été ce qu’ils sont aujourd’hui et qu’avant que les invasions barbares ne les eussent refoulés aux extrémités de la chrétienté et fait d’eux ce peuple de crépuscule dont parle Yeats — the celtic twilight —, ils n’aient pas beaucoup différé de leurs cousins de Grèce et d’Italie. Mais enfin, aux IVe et Ve siècles, l’œuvre d’éviction est à peu près accomplie : à l’écart des autres peuples, bannie du banquet de la fraternité humaine et repliée sur elle-même, ce qui reste de l’immense famille celtique qui couvrit autrefois l’Europe et une partie de l’Asie se terre aux confins du monde sur des caps d’où son rêve ne trouve plus à s’évader que vers la mer brumeuse qui lui fait tout son horizon. La mer ! Le Celte va vivre désormais sous son obsession perpétuelle ; il y promènera pen-