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l’Auvergne ; ce n’est pas un Breton qui est à la tête de la Revue des Nations, organe officiel de la rénovation celtique dirigé par M. Robert Pelletier. Et enfin le Bernard l’Ermite de cette nouvelle croisade, l’homme qui l’a inspirée, prédite, sinon conduite, et qui l’échauffé encore de sa vertu, M. Édouard Schuré, a vu le jour en Alsace et appartient à la religion réformée.

Nous sommes donc bien, vous le voyez, en présence d’un mouvement nationaliste ou à tendance nationaliste et non simplement régionaliste. Reste à savoir ce qui sortira de ce mouvement et si tant est qu’il en puisse sortir quelque chose.

Précisément, je viens de lire la Druidesse, le beau drame où M. Schuré, en traits de feu, a évoqué la dernière lutte de la Gaule contre les Césars, sous l’empereur Vespasien. Dans la pensée de l’auteur, ce drame est « le début d’une série de Visions de l’Histoire de France, d’où l’âme celtique ressortira comme l’arcane et le principe cristallisateur de la synthèse nationale ». Visions, c’est le mot. Car, si j’en juge par sa Druidesse, M. Schuré n’entend nullement, dans la série qu’il projette, faire œuvre d’érudit ; il en prend à son aise avec les textes ou plutôt il les néglige en bloc et en détail. Il préfère la fiction à l’histoire, le mythe à la réalité. C’est un poète, un « visionnaire ». Sa Druidesse, fantôme romantique, vaporeuse apparition, comme en engendrèrent tant de fois les brouillards du Rhin, frères des brumes bretonnes, n’a pas plus de consistance historique que la Velléda des Martyrs : chez Chateaubriand, Velléda était fille de Ségenax et amante d’Eudore ; chez M. Schuré, elle est fille de Katmor et amante de Celtil. Chateaubriand en avait fait une Armoricaine ; M. Schuré en fait une Irlandaise.