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chose de lui descend sous la terre et le rattache à ses origines.

L’importance accordée en Bretagne au cimetière tient en partie sans doute aux idées d’une race chez qui, suivant le mot de Brunetière, « les morts ne sont pas morts et continuent d’être mêlés à la vie quotidienne », mais elle tient aussi et davantage peut-être à cette conception toute primitive du cimetière, présenté, non comme une agglomération de petites propriétés particulières, mais comme un patrimoine collectif, un fief héréditaire et indivis dont la jouissance est acquise par droit à tous les membres de la communauté. Dépôt de la plus ancienne tradition, archives à ciel ouvert du clan, un tel lieu, qui garde une mystérieuse vertu agissante, est doublement sacré par la religion et par l’histoire, si obscure, si pauvre d’événements qu’ait été cette histoire. Et c’est pourquoi, concentrant sur lui toute leur piété, au lieu de l’éparpiller égoïstement sur des sépultures individuelles, les fidèles de chaque paroisse rivalisent pour lui donner toute la magnificence possible et un éclat supérieur à celui des cimetières voisins. Considéré de ce point de vue, on peut dire qu’en même temps qu’une forme de la dévotion aux ancêtres, le culte de la mort en Bretagne est une forme du patriotisme municipal.



Je devrais dire « était », car, depuis quelques années, ce patriotisme-là — comme l’autre[1] — a

  1. Nous ne prévoyions pas, en écrivant ces mots presque sacrilèges, le sublime redressement de 1914, le sacrifice silencieux de tant de Bretons, et nous accordions trop d’importance à la propagande anti-patriotique de quelques mauvais bergers de la presse et de l’enseignement.