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galgal et tumulus). Le Morbihan, sans doute à cause du nombre et de la proximité des îles du golfe, devint ainsi, à une époque qu’il est malaisé de déterminer, mais assurément très ancienne, une vaste nécropole, un grand « champ dolent » du monde occidental. Erdeven, Kerserho, Sainte-Barbe, la lande du Haut-Brambien, Carnac surtout, avec ses 2,000 menhirs, débris de la prodigieuse forêt lithique qui le couvrait autrefois, furent les principaux centres d’inhumation. Mais comment, après avoir rempli un tel rôle dans le passé, le Morbihan ne serait-il pas un peu mélancolique ? D’avoir été le cimetière du monde il n’est pas que quelque chose n’en demeure au moins dans l’aspect général.

Et n’est-ce pas encore ce pays qui par trois fois : en 56 avant J.-C, en 1364 et en 1795, servit d’ossuaire à la nation armoricaine, à la fleur de la chevalerie bretonne et aux derniers tenants de la monarchie française ? À quelques pas de l’estuaire où la fortune et les vents trahirent la flotte des Venètes, à l’endroit même où Charles de Blois tomba en hoquetant : Haa Domine Deus ! 952 gentilhommes de l’armée de Sombreuil, fusillés et enfouis au lendemain de Quiberon dans le champ qui reçut de la piété populaire le nom de Champ des Martyrs, puis transportés dans la chartreuse d’Auray, attestent l’espèce de fatalité historique qui continue de peser sur ce coin de terre, immémorialement voué aux dieux infernaux. Hic ceciderunt, lit-on sur le mausolée d’Auray. Inscription de charnier, laconique et sublime, et qui semble envelopper dans son anonymat volontaire tous les hôtes du ténébreux sous-sol morbihannais !

« L’Armorique, terre des morts. » Cette formule de l’historien des Gaules, Camille Jullian, est parti-