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sage plougastélois est, en effet, un des plus tourmentés que je connaisse. Une côte à pic, où l’ajonc et les pins ont peine à s’agripper et que crénelle une chaîne d’énormes roches schisteuses, veinées de quartz blanc, donne à cette face septentrionale de la presqu’île l’aspect d’un vaste camp retranché. Et l’impression n’est pas tout à fait trompeuse : de Roc’h-Nivelen au bourg de Plougastel, sur une demi-lieue de plateau, s’étend une zone rase et désertique comme les zones militaires. Mais quel changement, sitôt le bourg franchi !… Brusquement le plateau fléchit, cède, s’échancre et coule, dirait-on, vers les bords de sa mer intérieure par toutes les pentes de ses vallées et de ses criques. Autant la rive de l’Elorn est sombre, hérissée, verticale, autant la rive opposée, qui regarde Logona-Daoulas et Crozon, est déclive, facile, accueillante. Nulle contrée n’a de routes plus délicieuses au printemps ; on glisse sous un entrelacs de néfliers, de pommiers, de cerisiers, de pruniers, dont le moindre frémissement de l’air secoue sur le promeneur la neige odorante. Et peut-être, dans cette configuration singulière de la péninsule plougastéloise, faut-il voir autre chose qu’un simple hasard et y distinguer une attention délicate de la Nature. On croirait volontiers qu’en mère prudente elle a voulu favoriser l’isolement des Plougastélois, sauvegarder l’intégrité de la race : elle a entassé les obstacles sur la frontière nord de la presqu’île, directement exposée à l’invasion brestoise et insuffisamment défendue par le fossé de l’Elorn ; vers le sud, où les risques étaient moins grands, elle n’a pas eu besoin de prendre les mêmes précautions et elle a laissé la mer et la terre consommer à loisir leurs fécondes épousailles.