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ment inconnue de la liturgie officielle[1], et Juliette Drouet, cette autre Viviane de cet autre magicien du verbe que fut l’auteur de la Légende des Siècles, n’y ouvrit-elle pas ses beaux yeux de jais à la lumière ? Accord miraculeux du paysage et des amants qui s’y bercèrent tout un été de 1837 ! Le soir surtout, quand Fougères arrête ses métiers et que, rendues au silence du passé, ses vieilles tours de Mélusine et du Gobelin, ses remparts, ses échauguettes et ses flèches s’enlèvent en noir sur le ciel, c’est un rêve de Hugo réalisé ; on dirait un de ces dessins à l’encre où, sous un ciel dramatique et mouvementé, le grand poète s’amusait à ériger les capricieuses architectures moyenâgeuses qui hantaient son cerveau de burgrave en disponibilité. Cette flore de pierre épanouie à l’extrémité d’une longue artère moderne — le boulevard de Rennes — peut à la fois s’admirer d’en bas et d’en haut, car une partie de la ville la domine. De la Place aux Arbres, observatoire merveilleux où aimait à s’accouder la rêverie de Balzac suivant au fond du vallon la reptation silencieuse de ses Chouans, un petit chemin brusque et ombreux, dit de la duchesse Anne, mène dans le populeux faubourg du Nançon, pressé autour de sa vénérable abbaye de Saint-Sulpice et tout bruissant, comme les rues de la haute ville, d’un claquement de sabots et de galoches. C’est vers 1830 que fut importée à Fougères la fabrication du chausson de lisières qui occupait, quelques années plus tard, un millier d’hommes. Fougères fabrique aujourd’hui tous les produits ordinaires de la cordonnerie ; ses ateliers sont pourvus des machines les plus per-

  1. Informations prises, Viviane serait une graphie erronée pour Bibiane. Mais cette erreur même n’est-elle point bien significative ?