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pects « qui regardent où ils mettent le pied et qui sont les Normands de la Bretagne ». Tel ne saurait être évidemment le cas de François, natif de Kérizel, en Saint-Jean-Trolimon (Finistère), et pied bot de surcroît. Madame de Trohanet, avec son arrogance de parvenue et ses prétentions ridicules au bel air, Hubert de Trohanet, le brillant officier d’Afrique, même M. de Rustéphan, le vieil archéologue dont la montre s’est arrêtée au pliocène, pourraient se concevoir à la rigueur sous une autre latitude ; ils ne sont pas de ces figures qui réclament nécessairement un cadre plutôt qu’un autre. Mais l’Affligé, lui, sentimental, farouche et réticent, tout gonflé d’une tendresse qui s’aigrit d’être renfermée et lui tourne à la longue sur le cœur, comment l’entendre, le voir, le situer en dehors de ses solitudes natales ? Il leur appartient, il est, comme l’ajonc, comme les chênes tors des talus, un produit spécial de ce sol âpre et déshérité en apparence et cependant d’une si merveilleuse sensibilité sous-jacente.

En vérité, je ne connais pas, dans la littérature romanesque de ces vingt dernières années, de caractère masculin plus en harmonie avec son milieu. Dupouy, visiblement, a étudié celui-ci avec une complaisance particulière. Et c’est qu’il est bien rare qu’un premier roman ne soit pas en partie une confession et, jusque dans le récit de passions ou d’événements qui nous sont le plus étrangers, nous trouvons le moyen d’introduire un peu de nous-mêmes. Une conception si strictement bretonne du personnage principal de L’Affligé risquerait cependant d’indisposer certains lecteurs si, comme le fait observer la dédicace du livre, la Bretagne n’était justement la terre d’élection de ces sortes de déséquilibrés supérieurs et si, de Bretagne ou des pays cel-