Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous entretenir ce pur Breton ? La forme adoptée par l’auteur surprendra davantage : les vers s’y entrelacent à la prose ou plutôt les chapitres du livre — si ce sont là des chapitres, car chacun d’eux fait un tout complet et contient en raccourci la matière d’un gros roman — y sont séparés par des pièces de vers, tantôt isolées, tantôt en groupes, où le lecteur peut voir à sa fantaisie une illustration, un commentaire ou un interlude, comme on disait au temps du symbolisme. Tant y a que cette forme insolite (au moins de nos jours, car nos pères s’y complaisaient fort, témoin La Fontaine, le jovial Chapelle et ce coquin de Voltaire lui-même) donne beaucoup de grâce et d’aisance au livre. Elle l’aère, si je puis dire. Mais elle complique un peu la tâche du critique qui, dans un même recueil, est tenu de considérer tour à tour le poète et le prosateur et de porter sur eux un double jugement. Mais ce jugement sera-t-il aussi favorable au poète qu’au prosateur — ou réciproquement ?

Dans l’espèce, la difficulté est plus apparente que réelle. Car, chez Jean des Cognets, le poète ne fait que transposer dans le mode lyrique les dons mêmes du prosateur, son réalisme savoureux, ses magnifiques réserves d’observations, son verbe dru, nourri, substantiel et capable cependant, tant il sait rester souple, des plus beaux élans comme des plus suaves effusions. Et le poète, de son côté, prête au prosateur son œil visionnaire, ce sens de l’« au-delà » et des correspondances mystérieuses qui nous relient à l’âme universelle.

« Il était bien vieux déjà, dit l’auteur dans son avant-propos, le monde que décrit ce livre, quand, un inoubliable soir d’été, toutes les cloches de toutes les chapelles éparses dans ses campagnes s’unirent