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majorité radicale, n’a pas encore pu décrocher pour son collaborateur le petit bout de ruban rouge qu’on prodigue à tant de prétentieuses nullités de la politique et des lettres[1].

Ajoutez que Changeur, qui se dépense ainsi sans compter pour la défense de notre patrimoine national, est un écrivain charmant, pittoresque, disert, riche d’aperçus ingénieux et de remarques émues ou plaisantes, une sorte de Toppfer des paysages de France. Il faut l’entendre parler du Village, tel qu’il s’est cristallisé en son esprit, du Village en soi, synthétique et concret tout ensemble :

« Le Village, dit-il, est l’habitat humain le plus proche de la nature ; c’est le premier anneau — anneau de mariage, pourrait-on dire — de la chaîne qui relie — et qui le lie — l’homme à la nature. C’est au village que s’opère la mystique et féconde union. Le paysan, le villageois, revêt toute la grandeur d’un symbole sans s’en douter, comme il sied. Il incarne en quelque sorte la force même de la terre à laquelle il s’adapte strictement par son aspect, son attitude, son geste ; il s’y relie comme l’arbre trapu et noueux s’incorpore au sol qu’il fouille de ses racines et dont il boit la sève, ardente comme du sang ».

Et cette force — ce dynamisme, — puisée dans le flanc de la terre, ne se traduit pas seulement en acquisitions matérielles, en muscles et en hémoglobine : elle est aussi génératrice de vigueur morale

  1. Le fait est que ce passionné, délicieux et modeste serviteur de la beauté française est mort la boutonnière vierge en 1920. Il avait publié en ces derniers temps un recueil de pensées sur l’amour d’un tour très fin, encore qu’il y éclate un scepticisme et une misogynie assez déconcertants. On lui doit aussi de curieuses impressions de Hollande. Mais c’est à la Bretagne qu’il avait donné son cœur.