Page:Le Goffic - L'Âme bretonne série 4, 1924.djvu/273

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le Dantec, qu’il parle science ou politique, parle toujours en biologiste ou, si vous le préférez, en matérialiste convaincu. Il n’est pas l’homme des compartiments ; il répugne aux cloisons. C’est un logicien et de la plus dangereuse espèce qui soit, celle qui va jusqu’au bout de ses raisonnements.

Lors de la dernière grève des chemins de fer un rédacteur de la Guerre Sociale vint lui demander, de la part du Breton Gustave Hervé, de signer une protestation contre les actes d’autorité d’un autre Breton, mon ancien camarade de philosophie du lycée de Nantes, Aristide Briand.

« Je répondis à mon visiteur, dit Le Dantec, que je ne pouvais prendre parti dans une question où je ne voyais pas clair et au sujet de laquelle mes meilleurs amis étaient divisés ; mais j’ajoutai que j’entrevoyais une lueur qui me permettrait de me guider dans le dédale des faits sociaux sans renoncer à mes habitudes de biologiste positif. Je ne sais pas, ajoutai-je, si ce que je trouverai plaira aux lecteurs de la Guerre Sociale ou à ceux des journaux conservateurs. En tout cas, ce que je trouverai, je le dirai, quoi que ce soit… »

Telle fut l’origine du livre qui fait tant de bruit en Sorbonne (l’égoïsme, seule base de toute Société), qui scandalise Aristippe, indigne Carnéade et Georgias et attire sur le crâne de Le Dantec — un solide crâne de Celte heureusement — la belle averse de sarcasmes et d’injures que vous savez. Peu s’en faut que ces philosophes ne lui dénient le droit de philosopher : « Vous sortez de votre spécialité ; retournez à la biologie ! » Car il n’est plus permis, dans la docte maison, d’avoir des idées générales et de lever le nez de ses fiches ou de son microscope. Ou, si l’on a des idées, il faut qu’elles