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Charles-Eugène, ainsi nommé d’un voisin du bisaïeul ou trisaïeul des Chapdelaine avec qui ceux-ci avaient eu maille à partir et pour se venger duquel, de père en fils, ils donnaient ses prénoms chrétiens et le qualificatif de « malavenant » à leur bête de trait. Et il y a enfin Chien — un chien, en effet, pour qui l’on ne s’est point tracassé la tête et qui s’appelle Chien tout simplement comme s’il était le seul de son espèce. Groupez maintenant autour de ce petit monde et des quelques vaches, moutons et volailles, qui forment tout son cheptel, un voisin célibataire (on est voisin dans la région du lac Saint-Jean quand on n’habite pas à plus de 4 ou 5 milles), Eutrope Gagnon, et des hôtes de passage, comme Lorenzo Surprenant, parti pour les « États » où il travaille dans une usine, et François Paradis, un fils de colon que la « magie » du bois a ensorcelé et qui s’est fait trappeur, — vous aurez, avec des personnages épisodiques, tels que Napoléon La liberté, crieur public de Péribonka, Tit’Sèbe, le « remmancheur » (rebouteur), et l’estimable M. Tremblay, curé de la Pipe, la troupe au complet, figurants et protagonistes, du drame humain, simple et profond comme la vie, qui va se jouer dans cette clairière perdue de l’Extrême-Ouest canadien.

Dès le début, le drame est noué : c’est la rivalité qui met aux prises dans le cœur de Maria Chapdelaine, la belle fille, forte et saine, aux « cheveux drus », au « cou brun », ses trois amoureux représentatifs des trois genres de vie qui s’offrent à elle : Eutrope Gagnon, en qui s’incarne la tradition des antiques défricheurs ; Lorenzo Surprenant, le déserteur de la terre, l’émigré des « États » ; François Paradis, l’homme de la vie libre et des grands espaces, tantôt trappeur, tantôt foreman, qui ne se sent