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jeune homme, qu’à la suite d’un concours littéraire ouvert par l’Auto (février 1906) et où il remporta le premier prix, il devint un collaborateur régulier de ce journal et le resta jusqu’à sa mort. Sur les photographies qu’on a de lui à cette époque, il se présente avec une physionomie longue, aiguë et glabre, d’Anglo-Saxon. Mais un séjour de quelque durée qu’il avait fait en Angleterre où il se maria, croyons-nous, et d’où il rapporta une exquise nouvelle : Lizzie Blakeston, publiée par le Temps en 1908 et qui est l’histoire d’une petite danseuse des rues londoniennes, sœur lointaine de l’enfant Septentrion, put bien lui avoir communiqué ce faciès un peu sec de jeune bachelor, corrigé par la mélancolie voilée d’un beau regard de Celte.

Que se passa-t-il ensuite dans sa vie ? Il semble que, devenu veuf à trente-deux ans, rongé de spleen, il ait cherché dans le vaste monde un coin solitaire pour y enfouir son chagrin. Tout ce qu’on savait jusqu’ici de cette portion finale de sa brève carrière était peu de chose : il était parti pour le Canada et, sans s’arrêter dans les villes, poussant toujours vers l’Ouest, vers les confins de la colonisation, les « terres neuves », comme on dit là-bas, il s’était fixé dans la région du lac Saint-Jean, aux environs de Saint-Edouard de Péribonka, en pleine zone forestière. Il y était demeuré dix-huit mois, hôte d’une tribu de bûcherons-défricheurs dont il partageait la vie élémentaire, notant, observant, combinant l’intrigue — oh ! si peu compliquée ! — du livre qu’il projetait d’écrire sur ces échantillons de la primitive et libre race canadienne. Et, son manuscrit terminé, ficelé, expédié à M. Hébrard, directeur du Temps, le 8 juillet 1913, il se mettait en route, à pied, le sac au dos, le long du Transcanadien, vers des pays encore plus