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pédantesque et dont on abuse vraiment un peu trop.

— Pourquoi ne pas dire « faire », tout simplement ? observa Le Gonidec.

Tout l’homme est dans ce trait. Il détestait l’emphase dans le style comme dans la vie. Il n’eût pas été complètement breton, cependant, s’il n’avait eu son coin de chimérisme. Un hasard me le fit découvrir, certain jour que nous causions de Garibaldi.

Le Gonidec ne contestait pas l’existence de Garibaldi ; il acceptait de la vie du grand condottiere tout ce qui est antérieur au 29 août 1862 ; mais il repoussait délibérément tout ce qui suit et le mettait au compte d’un certain Sgaranelli, natif de Livourne, qui était, comme on dit vulgairement, le portrait craché de Garibaldi.

Et sur quel fondement asseyait-il sa créance ? me demanderez-vous. Voici :

— Remarquez tout d’abord, me disait M. Le Gonidec, que le type garibaldien est très répandu en Italie. Le « héros » n’avait pas qu’un sosie dans la péninsule : il en avait dix ou douze. Et c’est ainsi qu’à Gênes, sans qu’on s’aperçût de la substitution, un débardeur des quais posa longtemps les Garibaldi chez les photographes locaux. Vous me direz que cela ne prouve rien et que, si Garibaldi avait été tué en 1862 à Aspromonte, comme je le crois, on aurait bien fini par le savoir tôt ou tard. Oui, si la chose s’était passée ailleurs que dans les Calabres. L’Italie n’est point la France et nous sommes céans dans le pays par excellence, dans le Chanaan des sociétés secrètes. Tout le monde conspire peu ou prou en Italie ; tout le monde est d’une maffia ou d’une camorra quelconque. Et vous voyez pourtant comme les mystères d’une camorra ou d’une maffia sont bien gardés !…