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comme des embaumeurs de langues. Leur approche paraît de funèbre augure ; mais ils conservent pour l’éternité. Chantez donc, cher Monsieur Quellien, chantez harmonieusement dans notre dialecte celtique, pour qu’un jour on dise de lui : « Il disparut selon la loi de toute chose ; mais comme il eut de doux accents avant de mourir ! »

La page était belle assurément, mais quel ton désabusé ! Et quelles théories surtout ! C’est de ces théories-là, reprises et développées, qu’une certaine Sorbonne s’inspirera un peu plus tard pour décider que la critique n’est qu’une dépendance de la grammaire et que l’histoire littéraire doit rentrer dans l’histoire générale et se faire scientifique sous peine de ne pas être.

On a vu où menaient ces élégants paradoxes. Ils furent du moins sans effet sur Quellien, qui n’était qu’un poète et ne toucha qu’accidentellement à la philologie dans son étude sur l’« argot » des nomades de la Roche-Derrien. Mais en retour, on ne le sait que trop, l’excellent barde partagea longtemps le pessimisme de son maître sur l’avenir des races celtiques ; il crut sérieusement avec lui qu’elles étaient condamnées et que leur disparition n’était plus qu’une affaire d’années, peut-être de jours. C’est seulement vers la fin de sa vie, me disait son fils Georges, qu’il se reprit à espérer dans un renouveau breton.

Lui-même, par ses conférences, ses articles, ses livres, surtout par l’action efficace de ses vers, les plus purs et les plus profonds sans conteste qui soient sortis d’une lèvre de Celte, avait puissamment, quoique inconsciemment, aidé à ce renouveau. La Bretagne lui paye aujourd’hui sa dette de reconnaissance. Il avait toujours souhaité dormir son dernier sommeil en terre bretonne. L’épouse accomplie