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à l’Éclair sur les chefs-d’œuvre méconnus, il redirait tout son chagrin d’avoir passé auprès d’un tel sujet qui le hantait obscurément et qui était celui où il se serait peut-être le plus profondément exprimé ?

Eh bien, Barrès, ai-je tort de prétendre que l’homme qui parlait ainsi, la Bretagne — non pas peut-être la Bretagne géographique, mais la Bretagne idéale ou l’ensemble de sentiments, de croyances et de songes qu’on a l’habitude de comprendre sous ce mot — avait quelque droit de le revendiquer pour sien ? Date-t-il cependant de Combourg, comme vous le pensiez peut-être, et si tant est que vous n’ayez pris réellement conscience de vous-même, ô nouveau René, que ce jour de votre rentrée sous la poterne du manoir ancestral ? Et il est bien vrai sans doute que de ce jour vos traits se précisent, que ce patriotisme lorrain, frère du patriotisme breton de l’écrivain qui, suivant le mot de Brunetière, « en apportant sa province dans la littérature a modifié toute la sensibilité contemporaine », ce culte des ancêtres et de la terre, ce naturalisme mystique et jusqu’à ce tourment de l’absolu, cette instabilité perpétuelle, ce goût des ruines et des marécages, ces grands cercles que vous décrivez au-dessus des charniers de l’histoire, cette phrase musclée, sensuelle et toute gorgée d’images de vos livres sur l’Espagne et le Liban (après la phrase sèche et fiévreuse à la Michelet des Scènes et doctrines du nationalisme, qui succédait à la fine musique renanienne de l’invocation à Amaryllis et des stances à Bérénice), tout cela, qui est l’essence du Barrès de la troisième époque (et un peu déjà aussi de la seconde), c’est du Chateaubriand transposé et disposé sur le plan lorrain par un esprit bien décidé à « exciter en tout sens son imagination », mais qui sait garder le contrôle